ENQUÊTE PUBLIQUE RELATIVE À L’IMPLANTATION DE DEUX EPR2 SUR LE SITE DE PENLY

Je venais attirer votre attention sur la fin prochaine le 6 mars à 17 h 30 de cette enquête publique qui a pu passer inaperçue.
Sur le registre numérique, il y a beaucoup de “pour”, le plus souvent peu argumentés. N’hésitez pas, si vous en avez le temps, de mettre votre grain de sable dans la machine infernale, ce que je vais faire avant le gong.
Pour mémoire:
L’enquête en cours est prescrite par le Préfet de Seine-Maritime et concerne, pour EDF, des travaux préparatoires très importants: terrassements (déroctage de la falaise de 110 m de haut avec remblais sur l’océan), aménagement du site d’implantation, réalisation des ouvrages en mer…
L’avis de l’autorité environnementale (joint au dossier) pose notamment la question de l’avenir du site après réalisation des travaux préparatoires, si les EPR2 n’étaient pas construits.
Cette enquête n’apparaît pas sur le site de l’Autorité de Sureté Nucléaire qui n’est pas concernée par cette étape.
En effet, la loi d’accélération du nucléaire permet de réaliser les travaux “non-nucléaires” après une autorisation au titre de l’environnement, mais avant la décision de création de l’installation nucléaire de base, instruite par l’ASN , et prise par décret.
Si ces “travaux préparatoires” étaient autorisés, et réalisés à grands frais, qui aurait après l’outrecuidance de s’opposer à la création de la première paire d’EPR2 en plus des 2 réacteurs existants, sur le site de Penly ?
Pas d’EPR, ni à Flamanville, ni à Penly, ni ailleurs !
Bon après-midi,
Pierre

PETITE CHRONIQUE DE LA FRANÇATOMIQUE – COP 28, ÉTHIQUE ET NUCLÉAIRE

François Vallet – 21 novembre 2023

A quelques jours de la COP 28 à Dubaï, le gouvernement français cherche des soutiens à sa « relance du nucléaire », comme l’indique le site internet « Connaissance des énergies »1: « La France et cinq autres pays espèrent engager une quarantaine de pays à appeler à tripler les capacités de production nucléaire d’ici 2050 pour limiter le réchauffement climatique, lors de la COP28 à Dubaï, a annoncé mercredi à l’AFP le ministère français de la Transition énergétique ».

Avant de faire ce type de déclaration la ministre Agnès Pannier-Runacher et son cabinet auraient dû lire ceci : « Le choix de développer l’énergie nucléaire a des conséquences temporelles comparables à celles du changement climatique sans que le fardeau des conséquences des décisions d’aujourd’hui ne soit porté par ses décideurs. Plus
encore, ce choix énergétique va accélérer le développement des installations nucléaires et multiplier les risques qui leurs sont associés. »

Il est vrai que ce n’est qu’une contribution au débat public sur le projet d’EDF de construire de nouveaux EPR à Penly et ailleurs. Mais elle ne vient pas de n’importe qui. C’est la commission d’éthique et de déontologie de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) qui l’a publiée par un communiqué du 3 mars 2023, après en avoir délibéré le 26 février 2023 2. Il est vrai également que le gouvernement souhaite dissoudre l’IRSN dans l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) 3. Les “dessous du projet” ont d’ailleurs été clairement identifiés dans un dossier de la cellule investigation de Radio France, présenté samedi 7 octobre 2023 sur France Inter 4.

Dans sa contribution au débat public, la commission de l’IRSN aborde aussi le problème des déchets radioactifs : « Les installations et le cycle du combustible nucléaire ont pour particularité d’engendrer des effets sur des durées qui dépassent largement la période pendant laquelle la société bénéficie de leurs aménités. Ainsi, le démantèlement de
l’usine Eurodif, qui a pourvu aux premiers besoins en matières fissiles, est-il prévu sur une durée d’au moins trente ans.

L’objectif de production pour les EPR est 2130, tandis que les déchets générés par l’industrie nucléaire, notamment ceux qui ont une forte activité et une durée de vie longue, seront dangereux pendant plusieurs siècles. L’hypothétique réversibilité des choix technologiques et les croyances mises dans le progrès technique qui la permettraient ne doivent pas conduire à faire l’impasse sur les débats démocratiques et plus largement, légitime une démarche éthique. ».

A propos de la “gestion” des déchets nucléaires, France 2 a mis en évidence qu’EDF, Orano et l’Andra avaient caviardé un rapport de l’IRSN qui ne leur convenait pas 5, au prétexte de la protection de secrets commerciaux. Il concerne la prochaine « saturation » des piscines de stockage de « combustibles usés » à La Hague. Cette saturation pourrait, en théorie, conduire l’ASN à exiger l’arrêt de la production de « combustibles usés » et donc d’électricité nucléaire 6.

La commission de l’IRSN indique enfin : « Or, l’arrêt prématuré du débat national sur l’avenir du nucléaire est en contradiction avec l’impératif de réfléchir et de partager les conséquences de ce choix décisionnel, le débat n’ayant pu aborder les questions éthiques y afférant. ».

En effet la loi d’accélération des procédures administratives, nécessaires aux prolongations des réacteurs existants et à la construction de nouveaux réacteurs, avait été présentée par le gouvernement et votée par le Sénat sans attendre la fin du débat public. La Françatomique ne s’embarrasse ni d’éthique, ni de démocratie, ni d’ailleurs des conventions internationales qu’elle a ratifiées, comme la convention d’Espoo 7.

La limitation du réchauffement climatique a bon dos lorsqu’il s’agit de sauver le soldat nucléaire de la débâcle. Un certain Nicolas Sarkozy nous avait déjà fait le coup en 2009 à l’occasion du sommet de Copenhague.

En 2011 se produisait la catastrophe de Fukushima !
Éthique et nucléaire sont dans le bateau COP. Éthique tombe à l’eau. Que reste-il lorsque Tsunami survient ?

1 https://www.connaissancedesenergies.org/afp/cop28-france-etats-unis-royaume-uni-et-dautres-pays-vont-appeler-tripler-les-capacites-de-production-nucleaire-dici-2050-231115
2 https://www.irsn.fr/actualites/communication-commission-dethique-deontologie-lirsn-pour-contribution-debat-public
3 https://reporterre.net/Nucleaire-Projet-loi-fusion-IRSN-ASN
4 https://www.radiofrance.fr/franceinter/surete-nucleaire-enquete-sur-les-dessous-du-projet-de-fusion-entre-l-asn-et-l-irsn-3546700
5 https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/complement-d-enquete/video-dechets-nucleaires-le-scenario-noir-de-l-arret-des-centrales-edf_6116022.html
6 https://www.irsn.fr/sites/default/files/documents/expertise/rapports_gp/IRSN_Rapport_GPU_Cycle-2016_25052018v21012020.pdf
7 https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/la-france-nucleaire-ignorerait-trop-ses-voisins-alerte-un-comite-de-lonu-f128d86a-6782-11ee-a5bb-3c3a0f3f3a5e

Consultation EPR : Etablissement Public Rétrograde

Une consultation à propos de l’EPR de Flamanville a lieu jusqu’au 15 septembre. Nous vous proposons de faire votre marché parmi les différentes options proposées.

Avis des groupes du Réseau “Sortir du nucléaire” sur cette consulation

Collectif antinucléaire dieppois

Cette consultation à propos de l’EPR de Flamanville illustre bien la façon dont le lobby nucléaire envisage la démocratie : 22 000 pages sur lesquelles on demande “un avis éclairé” aux citoyens après les avoir noyés sous des données techniques parfois caviardées ( secret des affaires, industriel invoqués) et redondantes : un moyen de nous intimider, nous dissuader de contester ces choix catastrophiques. Cela permet aussi d’éluder les dangers que présentent la cuve défectueuse irremplaçable, le couvercle qui ne servira qu’un cycle de 18 mois avant de devenir un énorme déchet radioactif, etc…Cette précipitation sordide ( pour faire passer ce changement comme “frais d’exploitation” et non “dépassement du budget de construction”) et le mutisme qui entoure les derniers déboires de l’EPR chinois donnent encore plus de poids à notre opposition aux EPR2 prévus à Penly.

CRILAN :

Pas d’expertise indépendante ? pas de démarrage pour l’EPR ! Dans le cadre de le consultation ASN du 15 juin au 15 septembre en vue du démarrage de l’EPR, le CRILAN organise des actions d’information en direction du public afin de l’ inviter à participer à cette consultation : Programme sur crilan.fr et Facebook CRILAN.Les volontaires sont invités à participer à ces animations : contact@crilan.fr. »

Can-Ouest :

Qui peut croire qu’un large public pourra s’approprier et émettre des avis pertinents sur un rapport de 13200 pages pendant 102 jours en été ? Encore une fois, l’ASN applique la règlementation , mais on peut anticiper la conclusion de cette nouvelle enquête publique sur l’autorisation de mise en service de l’EPR de Flamanville, comme pour celle sur le couvercle et le fond de cuve à l’acier de mauvaise qualité, moyennant quelques préconisations de fonctionnement, cet avis sera positif !

Ne nous laissons pas abuser par cette consultation bidon !

Pas de mise en service de l’EPR ; transformons le en musée des grands chantiers inutiles et imposés du XXème siècle !

Avis de Guillaume Blavette membre de FNE Normandie

Cette consultation relative à la demande de mise en service du réacteur de Flamanville est pour le moins surréaliste alors que les incertitudes sur la capacité de ce prototype industrielle à fonctionner restent immenses. 

trois arguments principaux pour produire un avis négatif en réponse à cette consultation :

1 faible capacité d’EDF à entendre réserves et remarques qui lui sont adressées.

2 récapituler les écarts, incidents et accidents qu’a connus l’EPR en lien avec la sûreté nucléaire pendant sa phase de construction et d’expliciter les mesures prises pour y répondre, en particulier pour ce qui concerne la cuve du réacteur.

3 la nature même des informations présentées au public. Dans chaque volume des données font défauts.

Au fiasco industriel fait suite un fiasco démocratique après la validation pour le moins surprenante de la cuve de ce réacteur.

Comment dans ses conditions envisager une relance de la filière nucléaire ?

Consultation sur la mise en service de l’EPR de Flamanville : des arguments prêts à l’emploi par le Réseau Sortir du Nucléaire

Vous voulez contribuer à la consultation de l’Autorité de Sûreté Nucléaire mais vous ne savez pas quoi dire ? Pas de problème, le Réseau “Sortir du nucléaire” vous a préparé une liste d’arguments ! Écologie, argent, mix énergétique, risques industriels… laissez-vous inspirer ! À utiliser sans modération et à modifier à votre convenance.

Donner votre avis sur le site de l’ASN(237 contributions au 1er septembre

Interpellez directement l’ASN

Faisons de cet Etablissement Public Rétrograde le musée des grands chantiers inutiles et imposés du XXème siècle

cliquer sur le lien dans le commentaire ci-dessous

 

La CRIIRAD a besoin de votre pouvoir de convaincre !

plus nombreux, plus forts

Dans un contexte de relance du nucléaire, de sollicitations de toutes parts – citoyens, collectivités, associations – mais aussi de contraintes budgétaires, notre association a besoin d’amplifier son audience auprès du public et d‘obtenir un plus large soutien.

Pour cela, elle a besoin d’un nombre toujours plus important de relais pour porter sa voix.

Et les relais les plus proches, ce sont nos adhérents : c’est-à-dire c’est vous !

Vous avez le pouvoir de convaincre un proche d’adhérer !

Vous pouvez contribuer de manière simple et efficace à cet objectif : chacune et chacun d’entre vous est en mesure de convaincre au moins une autre personne d’adhérer à notre association !

Vous pouvez porter ce message simple : la nécessité de sources d’information scientifique indépendantes, accessibles à tous et permettant à chacun de forger sa propre opinion. Il dépasse les clivages idéologiques et scientifiques, et même le domaine de la radioactivité : lors de l’incendie de Lubrizol en 2019, on déplorait aussi l’absence d’information.

Tout au long de 2023, des communications vous aideront à expliquer comment la CRIIRAD met en œuvre les objectifs de sa raison d’être, au travers de rappels de ses combats, de message, vidéos ou témoignages d’adhérentes ou d’adhérents.

Voici donc le premier volet de cette campagne que nous avons intitulé “Plus nombreux, plus forts”

Grâce à vous, nous pouvons être significativement plus nombreux à porter et diffuser les messages de la CRIIRAD !

Plus nombreux, nous serons plus forts !

Partager le lien ci-dessous pour inciter vos proches à adhérer :

https://vu.fr/pxlq

 

refusez la poursuite jusqu’à 50 ans du réacteur nucléaire n°1 du Tricastin

Une enquête publique est ouverte en catimini: refusez la poursuite jusqu’à 50 ans du réacteur nucléaire n°1 du Tricastin

D’après la coordination Antinucléaire Sud-Est
Serviteur zélé des intérêts particuliers de la nucléocratie, l’ASN en complicité avec son maître EDF, ouvre une très brève consultation publique sur sa prochaine décision d’autoriser la poursuite du fonctionnement d’un des plus vétustes et pourris réacteurs nucléaires de l’hexagone au-delà de 40 années: le réacteur n°1 du site atomique du Tricastin (Drôme-Vaucluse). Le recueil des avis de la population se termine le 20 avril prochain c’est à dire à peine plus de trois semaines après avoir commencé en catimini sur le site de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Il faut s’opposer à cette mise en danger d’autrui et à la contamination radioactive de la Provence et de la vallée du Rhône.

Il y a urgence à agir contre un nouveau coup de poignard dans le dos. L’Autorité de Sûreté Nucléaire et EDF tentent de passer en force pour faire turbiner dix années de plus la vieille casserole située en zone sismique et inondable qu’est le réacteur atomique n°1 du site du Tricastin (Drôme-Vaucluse). C’est à l’occasion d’une pseudo consultation du public sur sa décision de “prescriptions complémentaires” à EDF que le feu vert veut être donné par la maffia nucléariste. A peine trois semaines, du 30 mars au 20 avril 2023, pour que la population puisse consulter les documents sur le site internet de l’ASN, les analyser, se faire une opinion et se positionner. Et encore faut-il qu’elle le susse.

Un coup de force de la maffia nucléariste

Déjà plusieurs commissions, agences, administrations ont émis de grandes réserves sur les à peu-près de cette consultation, les documents fournis par EDF plus que succincts, les délais trop courts, l’absence de précisions. Malgré tout l’ASN tente de passer en force. C’est que l’enjeu est de taille pour la corporation des destructeurs de l’atome. En effet le réacteur Tricastin n°1 est censé servir de test national pour l’ensemble des autres réacteurs nucléaires disséminés sur le territoire. Si ça passe au Tricastin ça passera ailleurs et les vieux et délabrés réacteurs poursuivront leurs disséminations radioactives sur l’ensemble de l’hexagone, maladies et cancers à la clef, atteinte à l’intégrité de la chaîne alimentaire, contamination des eaux et de l’air, augmentation du risque d’explosion et de catastrophe ultime, déchets radioactifs mortels pour des milliers d’années générés quotidiennement.

Alors que la Direction EDF du Tricastin  fait l’objet d’une enquête judiciaire pour pas moins de 12 chefs d’inculpation allant de “faux en écriture” à “dissimulation d’incidents nucléaires” en passant par “mise en danger de la vie d’autrui”, que EDF-Tricastin veut réduire ses contrôles et mesures de contaminations dans le canal de Donzère-Mondragon et dans le Rhône, que de multiples arrêts et défaillances chroniques se sont produits ces dernières années sur ce réacteur malgré les rafistolages au coût exorbitant : sans réaction de la population la destruction de la région et du pays est programmée.

Un bilan négatif, des réacteurs à bout de souffle

Situé en zone sismique et inondable la centrale atomique du Tricastin affiche un bilan négatif à plus d’un titre et selon les propos même de l’ASN les cuves des réacteurs sont à bout de souffle (et ne peuvent être changées) tandis que des malfaçons d’origines et fragilités nouvelles existent.

Au vu des documents disponibles qui font apparaître :

. des absences d’informations sensibles non-fournies par EDF,

. des reports d’interventions pour traiter les écarts,

. des planning aléatoires de réalisations de travaux par EDF

. de la réalisation de travaux au-delà de la date d’avis ASN,

. des “foutages de gueule” de remise de document ne permettant pas à l’ASN d’instruire tel ou tel dossier spécifique avant de devoir donner son feu vert

. de la période ridicule de moins d’un mois de consultation du public,

. de l’absence de dossier sur l’impact réel radiologique sur l’environnement et les populations tant riveraines que plus éloignées,

. des remarques formulées par les administrations, Agences, Commissions qui n’ont pas reçues retour d’engagement de traitement par EDF avant la date d’autorisation de poursuite

Il n’est pas possible de poursuivre en l’état, et au-delà d’engagements théoriques de EDF souvent non-respectés par le passé, le fonctionnement du réacteur n°1 du Tricastin.

Manifestez-vous, donner votre avis négatif 

Manifestez-vous, donner votre avis négatif sur le site internet de l’ASN alors que les dévots de la destruction atomistes et de la mort radioactive encensent d’avis positifs la proposition de l’ASN.:

. Pour donner son avis et créer un compte : https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/consultations-du-public/prescriptions-complementaires-applicables-a-la-centrale-nucleaire-du-tricastin-au-vu-des-conclusions-du-quatrieme-reexamen-periodique-du-reacteur-n-1#donnez-votre-avis

. Pour accéder aux documents, rapport d’instructions (très instructif et effrayant) et projets de décision  : https://www.asn.fr/l-asn-reglemente/consultations-du-public/prescriptions-complementaires-applicables-a-la-centrale-nucleaire-du-tricastin-au-vu-des-conclusions-du-quatrieme-reexamen-periodique-du-reacteur-n-1#documents-a-consulter

Livret A comme Atome ou livret R comme renouvelables et rénovation ?

Le gouvernement envisage sérieusement d’utiliser une partie des fonds du Livret A pour financer la construction des six réacteurs EPR2 annoncés par Emmanuel Macron.

2 actions de dénonciations sont proposées

Cyberaction-: Livret A ou Atome

CAN ouest et cyberacteurs proposent d’écrire à la médiatrice de la caisse des dépôts
Si l’annonce de l’intention d’utiliser le livret A pour financer le  nouveau nucléaire  vous  indigne, écrivez à la Caisse des dépôts soit  avec la cyberaction et/ou en utilisant le courrier modèle ci-joint avec  copie à votre banque en lui mentionnant que vous envisagez de retirer  les sommes placées sur votre livret .

https://www.cyberacteurs.org/cyberactions/livretaouatome-5944.html

ou

https://www.can-ouest.org/livret-a-ou-atome-ecrivez-a-la-caisse-des-depots/

Je refuse que mon épargne finance le nucléaire

Le Réseau Sortir du nucléaire propose à chacun, chacune de chiffrer ce qu’il ou elle retirera de son livret A
https://www.sortirdunucleaire.org/Je-refuse-que-mon-epargne-finance-le-nucleaire

Ne serait-il pas intelligent de proposer d’ors et déjà des alternatives pour le cas où le pouvoir décide de passer outre ?

Livret R comme Renouvelables et Rénovation

En listant les possibilités pour les citoyennes et citoyens d’investir ailleurs que sur le livret A ?

Nous proposons à celles et ceux qui ont des solutions à proposer de les indiquer dans les commentaires avant une reprise dans une campagne commune avec les moyens ad-hoc de faire connaître cette possibilité au grand public.

Alain Uguen

enquête publique pour la prolongation de 10 ans de l’exploitation des réacteurs N°2, N°4 et N°5 de la centrale nucléaire du Bugey

Lettre ouverte à l’occasion de l’enquête publique sur les dossiers présentés par EDF pour la prolongation de 10 ans de l’exploitation des réacteurs N°2, N°4 et N°5 de la centrale nucléaire du Bugey

une enquête publique est en cours, jusqu’au 8 mars, sur les dossiers d’EDF pour la prolongation des réacteurs N°2, N°4 et N°5 de la centrale nucléaire du Bugey.

https://www.registre-dematerialise.fr/4376/

Si vous lisez les « contributions » déposées en ligne vous verrez qu’elles sont très majoritairement favorables à la prolongation des réacteurs. Ce n’est pas étonnant car les seules personnes informées de l’existence de l’enquête publique sont celles qui ont intérêt à ces prolongations (essentiellement les salariés d’EDF, de ses sous-traitants et leurs familles).

Je vous joins le texte d’une lettre ouverte que j’ai préparée à l’attention des commissaires enquêteurs et dont vous pouvez vous servir comme bon vous semble.

C’est le texte remanié de ma « contribution » à l’enquête publique sur le dossier d’EDF pour Tricastin N°2 et il peut facilement être recyclé et adapté pour les autres enquêtes publiques qui vont suivre à très brève échéance.

François Vallet

Messieurs les commissaires enquêteurs,

A la suite de l’enquête publique qui s’est déroulée, du 13 janvier 2022 au 14 février 2022 pour le réacteur N°1 de la centrale nucléaire de Tricastin, le rapport d’enquête indiquait (extrait du document complet) :

« La Commission a le sentiment, après analyse
Des observations du public,
Des réponses d’EDF aux questions de la Commission et aux observations du public,
Des textes de plusieurs contributeurs et notamment de la CLIGEET dans son avis de janvier 2022,

Que la sûreté est sérieusement contrôlée et maîtrisée, par les 2 principaux acteurs du nucléaire que sont l’ASN (et l’IRSN) et l’exploitant EDF.

Elle considère en effet que ces deux structures sont imprégnées par une culture de sûreté qui se traduit par le professionnalisme de leurs agents respectifs. De plus, la Commission a pu constater que l’ASN a toujours fait preuve d’une totale indépendance vis-à-vis de l’exploitant.

En conclusion, la Commission estime que, sans pouvoir affirmer qu’elles seront suffisantes, les dispositions proposées par EDF lors du 4ème réexamen périodique du réacteur INB n°87 situé sur le Centre Nucléaire de Production d’Électricité du Tricastin vont dans le sens d’une amélioration continue de la sûreté. »i

Les commissaires enquêteurs n’étaient peut-être pas au courant des plaintes en cours ou en préparation, d’un puis de deux salariés d’EDF, qui mettent en cause la direction du groupe et de la centrale, pour des dissimulations d’incidentsii.

Cet avis des commissaires enquêteurs n’a cependant rien d’étonnant, surtout si l’on se réfère à l’étude historique (Inutilité publique – Frédéric Graber – Éditions Amsterdam) publiée récemment et dont l’auteur indique : « l’enquête d’utilité publique – depuis ses origines au XVIIᵉ siècle jusqu’à nos jours – sert d’abord à légitimer un projet de développement et, par la même occasion, à disqualifier toute critique à son encontre ».

L’administration française a en effet pris la très mauvaise habitude, en particulier pour tout ce qui touche à l’énergie nucléaire, d’organiser ce genre d’enquête alors que les décisions sont déjà prises, en présentant au public des dossiers techniques qui ne sont assortis d’aucune expertise indépendante et en saucissonnant les procédures de telle manière que personne ne puisse s’y retrouver et remettre en cause la logique d’ensemble, c’est-à-dire la poursuite coûte que coûte du nucléaire militaro-civil.

C’est ce qu’avaient bien compris les opposants à la construction d’une centrale nucléaire à Plogoff (Bretagne) lorsqu’ils ont détruit le dossier d’enquête publique, Maire de la commune en tête.

Ce qui a changé par rapport à l’époque de cette lutte c’est que les élus locaux des territoires nucléarisés (et il y en a beaucoup en France) sont désormais corrompus jusqu’à la moelle.

Ils vont même jusqu’à devancer les décisions de l’Etat pour réclamer la poursuite de l’arrosage du territoire par la «manne nucléaire » (à partir du moment où il est déjà arrosé par la contamination radioactive ils auraient tort de se priver de l’argent qui l’accompagne !).

Cette pratique de la corruption des territoires par l’industrie nucléaire a été clairement décrite dans une étude de Teva Meyer, de l’Université de Haute Alsace, dont je vous recommande la lecture : Du « pays perdu » du Blayais à l’« émirat de Saint-Vulbas » : les territoires de dépendance au nucléaire en France.iii

Et cette corruption gangrène désormais une partie importante de la population, celle dont les revenus dépendent directement ou indirectement de l’industrie nucléaire. Il suffit pour s’en convaincre de lire les contributions favorables aux projets d’EDF lors des enquêtes publiques, par exemple celle en cours dont vous avez la charge.

Pourtant, la Présidente de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) avait tiré la sonnette d’alarme sur « le risque d’une radicalisation des conflits et d’un accroissement de la défiance à l’égard des responsables publics » que fait courir l’absence d’un débat public large, ouvert à toute personne vivant en France, sur la politique nucléaire de la France. Et lors de sa séance du 1er décembre 2021, la CNDP rendait en effet un avis en séance plénière, recommandant que :

  • « conformément aux dispositions internationales et nationales applicables, un débat public de programmation relatif à l’énergie nucléaire ait lieu,

  • ce débat de programmation se tienne avant toute procédure de participation du public sur les projets de création d’une installation nucléaire de base. »iv

La CNDP constate en effet « qu’une relance de l’énergie nucléaire en France représente un choix démocratique majeur, engageant les générations futures. Toute personne vivant en France doit pouvoir être pleinement informée de ces enjeux et participer à l’élaboration des décisions concernant cette politique. »

Elle souligne « que le public n’a jamais pu être pleinement associé à ces choix énergétiques majeurs concernant l’énergie nucléaire. »

Elle constate également que « les annonces de relance de la construction de réacteurs nucléaires ont été formulées avant toute procédure de participation du public prévue par les conventions internationales,en particulier la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ainsi que l’article 7 de la Charte de l’environnement, de portée constitutionnelle. »

Elle conclut que « à défaut, d’un débat public large, ouvert à toute personne vivant en France, le risque d’une radicalisation des conflits et d’un accroissement de la défiance à l’égard des responsables publics n’est pas négligeable. Seul un débat conduit dans le respect des principes d’indépendance, de transparence, de neutralité, d’argumentation, d’équivalence et d’inclusion qui régissent l’intervention de la CNDP peut contribuer à asseoir la légitimité de toute décision future concernant l’énergie nucléaire en France. La sensibilité de la question nucléaire interroge autant la transition écologique que la démocratie. »

Or aucun débat public n’a été organisé sur la relance du nucléaire qui ne dit pas son nom et qui consiste à prolonger de 10 ans les réacteurs nucléaires ayant dépassé 40 ans de fonctionnement. Et l’enquête publique dont vous avez la charge est la troisième organisée sans ce débat public indispensable.

La décision de prolonger un réacteur nucléaire au-delà de quarante ans, durée limite pour laquelle il a été conçu, est équivalente à la création d’une nouvelle installation nucléaire, ne serait-ce que par l’ampleur des travaux que cela nécessite et par le fait que l’environnement de la centrale a profondément changé depuis la décision de création. Pourtant aucune étude d’impact environnemental, par un organisme indépendant d’EDF, n’a été réalisée.

L’enquête que vous menez est donc non seulement illégitime mais aussi illégale. Elle ne respecte pas la procédure de participation du public prévue par les conventions internationales, en particulier la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information. C’est un nouveau pied de nez à la démocratie.

Avant d’émettre son « sentiment », la commission d’enquête publique sur le dossier d’EDF pour le réacteur N°1 de la centrale nucléaire du Tricastin indiquait d’ailleurs (extrait du document complet) :

« Par ailleurs, les nombreuses observations favorables émises par le public mettent essentiellement en avant :
Le regain d’intérêt du public pour l’énergie nucléaire,
La spécificité de cette énergie afin de maintenir une production électrique décarbonée dans le mix-énergétique,
L’avantage d’une production pilotable par rapport aux énergies électriques renouvelables issues de l’éolien et du photovoltaïque.
La Commission prend acte de ces avantages et les reconnaît comme fondamentaux dans le cadre de la future Programmation Pluriannuelle de l’Energie.
Elle souhaite que ces orientations résultent d’un grand débat public sur ce sujet
Elle insiste toutefois sur le fait que ce n’est pas le besoin de maintien d’une production décarbonée qui devra décider de la poursuite ou pas de tel ou tel réacteur. C’est bien l’état du réacteur considéré, vis-à-vis de la sûreté, qui devra être pris en considération dans la décision de la poursuite ou non de son fonctionnement. La Commission fait confiance à l’ASN pour donner la priorité à cette approche sécuritaire. ».

Or justement je ne fais pas confiance à l’ASN sur ce point car d’anciens responsables de la sûreté nucléaire, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Angleterre et en France, ont dressé récemment le constat de l’ensemble des risques et inconvénients génériques de l’énergie nucléaire et conclu que le recours à celle-ci n’est pas une stratégie viable pour lutter contre le changement climatique.v

Dans un communiqué du 6 janvier 2022, ils indiquaient :

« La réalité est que le nucléaire n’est ni propre, ni sûr, ni intelligent, mais une technologie très complexe qui peut causer des dommages importants. Le nucléaire n’est pas bon marché, mais extrêmement coûteux. Et surtout, le nucléaire ne fait partie d’aucune stratégie viable pour lutter contre le changement climatique. »

L’enquête publique que vous animez intervient à un moment où la situation économique d’EDF est catastrophique, du fait de sa politique hasardeuse de construction de nouveaux réacteurs et de la défaillance de long terme de nombreux réacteurs existants. Les capacités financières, techniques et humaines d’EDF à mener correctement toutes les « améliorations de sûreté » décrites dans ses dossiers ne sont absolument pas garanties. Il y a donc un risque que certains travaux soient réalisés à l’économie, c’est-à-dire mal et en retard par rapport au calendrier prévu, ou même qu’ils ne soient pas réalisés du tout. EDF ne peut pas garantir qu’il n’y aura jamais d’accident grave provoqué par ces réacteurs de plus de 40 ans. D’ailleurs, si c’était le cas, pourquoi l’ASN chercherait-elle à préparer les riverains des centrales nucléaires à la « gestion post-accidentelle » ?vi

Je ne peux pas accepter qu’un accident nucléaire se produise à la centrale nucléaire du Bugey. Ses conséquences seraient désastreuses pour toute la région, voire bien au-delà, et pour longtemps. Une étude indépendante, réalisée par l’Institut Biosphère de Genève, montre bien les conséquences possibles pour la population, pour l’agriculture et pour l’économie dans son ensemble.vii

Je ne peux pas accepter non plus qu’EDF continue à disséminer de la radioactivité dans l’environnement, même si ses émissions sont conformes aux autorisations de rejets. Je ne peux pas accepter enfin qu’EDF continue à réchauffer le Rhône avec ses réacteurs nucléaires, alors qu’il s’agit désormais de tout faire pour limiter le réchauffement climatique. Vous pouvez lire à ce sujet le résumé de l’étude publiée par EDF en 2016 sur l’effet des rejets de chaleur de ses centrales sur la température de l’eau du Rhône.viii

Vous pourrez constater que les rejets de chaleur des centrales situées entre Saint-Vulbas (à l’amont de la centrale nucléaire du Bugey) et Aramon (à l’aval de la centrale de Tricastin) ont provoqué en moyenne annuelle une augmentation de la température des eaux du Rhône de 1,2°C sur une augmentation totale de 1,4°C (comparaison entre la période 1988-2010 où tous les réacteurs actuels étaient en service et la période 1920-1977 lorsqu’il n’y avait que quelques réacteurs de faible puissance en fonctionnement).

Ce réchauffement à l’échelle du fleuve est tout à fait considérable en comparaison au réchauffement global des surfaces terrestres à l’échelle de la planète, de l’ordre de 0,7°C entre les deux mêmes périodes.

Il ne représente d’ailleurs qu’une partie du problème car 6 des 14 réacteurs nucléaires, situés en bord de Rhône, sont équipés de tours de refroidissement qui évacuent une partie de la chaleur dans les eaux du fleuve et une autre partie dans l’air sous forme d’eau évaporée.

Pour toutes ces raisons je vous demande, Messieurs les commissaires enquêteurs, de donner un avis défavorable au dossier présenté par EDF en vue de la prolongation de ce réacteur.

Signataires

Nom Prénom Adresse (ville et code postal) Adresse mél

i https://www.drome.gouv.fr/IMG/pdf/conclusions22.03_15.pdf

ii https://www.blast-info.fr/articles/2022/edf-la-machine-a-broyer-tricastin-un-inspecteur-nucleaire-harcele–fFE3W8NQtSm_8vDGiJklw

https://reporterre.net/Un-cadre-de-la-centrale-nucleaire-du-Tricastin-denonce-des-dissimulations-et-minimisations

https://www.mediapart.fr/journal/france/090622/nucleaire-edf-est-visee-par-une-information-judiciaire-apres-des-incidents-de-surete

https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/251022/nucleaire-perquisitions-la-centrale-edf-du-tricastin-et-l-autorite-de-surete

https://www.ledauphine.com/faits-divers-justice/2022/10/07/centrale-nucleaire-du-tricastin-un-second-cadre-d-edf-denonce-la-dissimulation-d-incidents

iii https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-4-page-153.htm

https://www.researchgate.net/publication/276250922_Du_pays_perdu_du_Blayais_a_l%27_emirat_de_Saint-Vulbas_les_territoires_de_dependance_au_nucleaire_en_France

iv https://www.debatpublic.fr/debat-public-sur-le-nucleaire-la-recommandation-de-la-cndp-2686

v https://www.nuclearconsult.com/blog/former-heads-of-us-german-french-nuclear-regulation-and-secretary-to-uk-government-radiation-protection-committee-nuclear-is-just-not-part-of-any-feasible-strategy-that-could-counter-climate-chan/

vi https://www.post-accident-nucleaire.fr/

vii https://www.institutbiosphere.ch/eunupri_2019.html

viii https://www.rhone-mediterranee.eaufrance.fr/sites/sierm/files/content/migrate_documents/EtudeThermiqueRhone-Plaquette-Mai2016.pdf

relance du nucléaire vue par Le Monde

Bonjour,

Si vous avez envie de vous lancer dans cette lecture, voila de quoi se documenter. Ci-dessous,  4 articles que le Monde vient de publier concernant les conditions de la relance du nucléaire. Il est interessant que ce journal qu’on dit de “référence”, et qui de fait est dans l’idéologie dominante, pose de vraies questions quant à la mise en chantier de nouveaux réacteurs. Macron et le lobby seraient-ils l’objet la part de leur camp de réserves quant à la politique énergétique du pays?

Pierre
Nucléaire : débattre et informer, avant de décider
ÉDITORIAL Jérôme Fenoglio Directeur du « Monde »

Relancer un chantier colossal de plusieurs EPR, comme le souhaite le président Macron, a de très nombreuses implications, budgétaires, environnementales, technologiques… A quelques mois de la présidentielle, les Français méritent un débat public sérieux et transparent, qui s’appuie sur des chiffres et des arguments de qualité.

Editorial du « Monde ». En France comme ailleurs, les campagnes en vue d’une élection présidentielle apportent souvent autant de clarifications bienvenues que de simplifications malheureuses. Ces dernières semaines, les candidats virtuels ou déclarés au scrutin du printemps 2022 ont précisé leur position sur une question rendue impérieuse par l’ampleur de la crise climatique en cours : l’évolution de notre production d’énergie, principalement électrique, dans le cadre d’une trajectoire rigoureuse de réduction de nos émissions de CO2. Pour produire cette électricité décarbonée, notre pays possède un atout qui est devenu source de perplexité. Notre parc nucléaire, contributeur à hauteur d’environ 70 % du mix actuel, entre dans la dernière phase de sa vie et ne sera quasiment plus opérationnel dans une vingtaine d’années.

C’est sur son sort que les options défendues par les candidats ont tendance à basculer dans le simplisme. A droite, et à l’extrême droite, l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 est perçu comme une occasion d’offrir une revanche historique à la filière nucléaire, tout en évacuant toutes les questions gênantes : le nécessaire effort de réduction de la consommation d’énergie ainsi que l’indispensable développement des énergies renouvelables, notamment ces éoliennes devenues, pour ceux de ce bord politique, l’objet de tous les griefs. A gauche et chez les écologistes, à quelques exceptions près, la sortie rapide du nucléaire est toujours à l’ordre du jour, même si sa date prévue a été légèrement décalée. Ce report serait toutefois loin de nous éviter les nombreuses difficultés dans lesquelles nous voyons aujourd’hui se débattre l’Allemagne, après la décision d’un arrêt précipité de ses centrales, à la suite de la catastrophe de Fukushima.

Entre ces illusions du tout et celles du rien, Emmanuel Macron vient de se prononcer pour une relance de la construction de plusieurs centrales de type EPR, concomitante avec une accélération dans les énergies renouvelables, au sein d’un mix décarboné dont les proportions exactes doivent être encore choisies parmi les modélisations présentées récemment par le Réseau de transport d’électricité (RTE). Cette option, présentée comme rationnelle et raisonnable, n’en constitue pas moins, elle aussi, un pari sur l’avenir, comportant de nombreux risques qui devraient être beaucoup plus mûrement réfléchis et débattus avant de s’imposer comme une décision du président de la République.

D’abord parce que ses implications budgétaires sont considérables. Le renouveau, même limité, de l’atome en France, c’est avant tout l’allocation d’une manne financière à la fois immense et imprévisible. Songeons que l’EPR de Flamanville devait être connecté au réseau en 2012 après un investissement de quelque 3 milliards d’euros et qu’il ne devrait finalement entrer en service qu’une décennie plus tard, pour un budget de six à sept fois supérieur. Les problèmes techniques rencontrés depuis par l’un des deux réacteurs de l’EPR de Taishan (Chine) laissent craindre que les retards et dérives budgétaires soient plus une norme qu’une exception. Or les ressources d’argent public considérables qui seront consenties au nucléaire manqueront d’autant à la recherche de solutions techniques de stockage de l’énergie et d’adaptation des réseaux, aux renouvelables, à l’accompagnement des mesures de sobriété énergétique…

Les défauts en série sur le chantier de Flamanville, les inquiétudes maintes fois exprimées par l’Autorité de sûreté nucléaire et la situation financière désastreuse d’EDF ne peuvent qu’inciter à la prudence. Lancer un chantier colossal de plusieurs EPR implique pour les pouvoirs publics de disposer de garanties indépendantes sur la capacité d’EDF et de ses sous-traitants à mener à bien ce défi. Cette circonspection s’impose d’autant plus que les futures centrales pourraient fonctionner dans un milieu déréglé par l’effet d’un réchauffement climatique qui aura grand-peine à être maîtrisé. Dans un tel monde, ni le débit des fleuves, ni l’étendue des inondations, ni les dégâts que les ondes de tempêtes peuvent causer sur les littoraux ne sont pleinement anticipables. Comme n’était pas prévisible ou même imaginable la brutalité des inondations qui ont ravagé la Belgique et l’Allemagne cet été. A mesure que le climat change, l’improbable devient plausible, l’impensable s’impose dans l’actualité. Les risques faibles d’aujourd’hui sont les catastrophes de demain.

Ces nouvelles menaces, comme les dangers plus anciens – la lancinante question des déchets est toujours posée –, doivent être portées à l’attention du grand public. Tout comme les difficultés du démantèlement des centrales en fin de vie, le renchérissement prévisible des tarifs, les instabilités des sources renouvelables, l’adaptation inévitable de notre consommation et de nos modes de vie à cette nouvelle donne. Sur l’ensemble de ces sujets, nos concitoyens méritent un débat public sérieux et transparent, qui s’appuie sur des chiffres et des arguments de qualité. Cela passe tout autant par un effort de la filière nucléaire, qui a fini par se nuire à elle-même en se complaisant dans sa culture de l’opacité, que par une revitalisation de nos échanges démocratiques. Avant que le prochain président de la République ne présente ses orientations devant des citoyens – et leurs représentants – pleinement éclairés, les échanges entre candidats ne pourront pas se limiter à une stigmatisation stérile de l’atome ou de l’éolien.

Nucléaire : l’autre dépendance énergétique européenne à la Russie

Au-delà du gaz et du pétrole, Moscou est également un acteur clé du secteur de l’atome et de nombreux pays entretiennent des liens étroits avec le géant Rosatom. Mais cette industrie reste épargnée par les sanctions.

Par Perrine Mouterde et Marjorie Cessac
Le Monde

Gaz, pétrole, charbon. La guerre en Ukraine, en provoquant une crise énergétique d’ampleur inédite, a clairement exposé les liens des pays européens avec le secteur des hydrocarbures russes. Mais une autre dépendance a jusqu’ici été très peu évoquée : dans l’est de l’Union européenne (UE) notamment, des Etats comptent sur l’industrie nucléaire russe pour faire tourner leurs centrales et produire jusqu’à la moitié de l’électricité dont ils ont besoin.

Alors que le géant de l’atome Rosatom est un réel instrument d’influence pour le pouvoir de Vladimir Poutine, qu’il est chargé des armes nucléaires du pays et impliqué dans l’occupation de la centrale de Zaporijia en Ukraine, ce secteur a jusqu’ici été épargné par les sanctions. Un statu quo qui ne devrait pas empêcher le marché de se restructurer au moins en partie, en bénéficiant au passage à des acteurs français.

Rosatom, champion toutes catégories

Un chiffre illustre le poids de la Russie dans l’industrie nucléaire : sur quelque 440 réacteurs en opération à travers le monde, 80 sont de conception russe, soit de type VVER. Au cours des dernières décennies, le pays a exporté plus d’unités que n’importe quel autre acteur.

L’UE en compte dix-huit sur une centaine en activité, notamment dans les pays de l’ex-bloc soviétique. En Bulgarie, par exemple, les deux réacteurs russes fournissent un tiers de l’électricité du pays. En République tchèque, les six unités sont à l’origine de près de 37 % de la production tandis qu’en Hongrie les quatre réacteurs en produisent près de la moitié.

Moscou continue par ailleurs de dominer le marché international. Selon le World Nuclear Industry Status Report, sur les cinquante-trois réacteurs en cours de construction à la mi-2022, vingt l’étaient par le groupe Rosatom, dont dix-sept hors de Russie. Seules la France et la Corée du Sud construisent également des réacteurs (deux chacun) hors de leurs frontières.

Avec plus de 300 entreprises, 275 000 employés et des partenariats commerciaux signés avec plus de cinquante pays, l’Agence fédérale de l’énergie atomique Rosatom est un mastodonte. Impliquée dans la quasi-totalité des pays nucléarisés, elle a été créée officiellement, en 2007, par le président russe. « Vladimir Poutine a réuni cette année-là les activités nucléaires du secteur public et du secteur privé, raconte Mark Hibbs, spécialiste de la politique nucléaire au Carnegie Endowment for International Peace. Il a centralisé l’ensemble de l’industrie, y compris le nucléaire militaire, au sein d’une seule organisation placée directement sous ses ordres. »

Depuis, Rosatom a mené une stratégie offensive, en proposant de livrer des centrales « clés en main ». Non seulement la Russie construit, assure la maintenance, fournit l’expertise technique ou le combustible, mais elle peut aussi prendre en charge le coût financier, même pour des opérations considérées comme à risque.

« Les Russes sont hypercompétitifs »

Un tel contrat, pour quatre réacteurs estimés à environ 20 milliards de dollars (un peu plus de 19 milliards d’euros), a ainsi été signé en 2010 avec la Turquie, qui cherchait en vain depuis des décennies à lancer un programme nucléaire. « Les Russes sont hypercompétitifs, personne au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques [OCDE] ne peut rivaliser avec les conditions qu’ils proposent », souligne Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales.

Concernant l’uranium naturel, la Russie était en 2021 le troisième fournisseur de l’UE avec 20 % des parts de marché, selon l’agence européenne Euratom. Le Kazakhstan figure en deuxième position ; or une certaine part de l’uranium extrait dans ce pays enclavé transite par le territoire russe. « Environ 45 % de l’uranium français vient de l’Ouzbékistan et du Kazakhstan, des régimes sous influence russe, et transite dans des cargos russes, ce n’est pas neutre », dénonce Pauline Boyer, chargée de campagne nucléaire à Greenpeace.

Quel est le niveau de dépendance des pays européens au gaz et au pétrole russe ?

Une fois extrait, l’uranium naturel doit également être « converti » – le minerai est purifié et transformé en hexafluorure d’uranium (UF6) – puis « enrichi » – la concentration d’uranium 235 est augmentée – avant de pouvoir être utilisé sous forme de combustible. Là aussi, Rosatom exerce un poids réel : le groupe contrôle 25 % du marché européen de la conversion et 31 % de celui de l’enrichissement – des chiffres qui grimpent à environ 40 % et 46 % au niveau mondial.

Outre l’UE, les Etats-Unis sont également lourdement dépendants de la Russie. « A tout moment, Moscou pourrait réduire de moitié l’approvisionnement mondial disponible en combustible nucléaire, et le marché le plus exposé au monde est les Etats-Unis », estimait fin octobre Paul Dabbar, ancien secrétaire adjoint du ministère américain de l’énergie. En 2021, Rosatom a fourni près du quart du combustible nécessaire aux 93 réacteurs du parc américain. La plupart des modèles de réacteurs avancés dits « de quatrième génération », en cours de développement, ont par ailleurs besoin d’un uranium enrichi jusqu’à 20 %, que seule la Russie est actuellement en capacité de fournir.

« La dépendance au nucléaire est particulièrement forte parce qu’il ne s’agit pas simplement d’une dépendance à une matière, mais aussi à des technologies et des capacités industrielles », résume Yves Marignac, expert du nucléaire au sein de l’Association négaWatt, organisation militant pour la sobriété énergétique et le remplacement des énergies fossiles et nucléaires.

Le nucléaire à l’abri des sanctions

En avril, le Parlement européen appelait à un « embargo total » sur les importations de charbon, de pétrole, de gaz mais aussi de combustible nucléaire en provenance de Russie. Mais, après neuf mois de guerre et huit volets de sanctions, l’industrie de l’atome est l’un des rares secteurs à ne pas être concerné par les restrictions, au grand regret des dirigeants ukrainiens. Elle a même bénéficié d’exemptions : des avions cargo venant de Moscou et transportant du combustible destiné aux centrales slovaques ou hongroises ont été autorisés à circuler malgré la fermeture de l’espace aérien européen aux appareils russes.

En termes économiques, les pays de l’UE ont déboursé environ 210 millions d’euros pour les importations d’uranium brut de Russie en 2021. Si cette somme est bien inférieure à celle dépensée pour les achats de gaz ou de pétrole, elle masque d’autres gains indirects pour la Russie. « Il serait logique de sanctionner Rosatom, qui est impliqué dans l’occupation de la centrale ukrainienne de Zaporijia et donc complice de la stratégie de guerre de Moscou, mais personne ne l’a fait », constate Mark Hibbs.

Cette exception liée au nucléaire s’explique d’abord par le contexte énergétique. Alors que le conflit a privé les Européens de la quasi-totalité de leur approvisionnement en gaz russe, se passer de capacités de production nucléaire ajouterait au risque de pénuries d’électricité lors des prochains hivers, qui s’annoncent particulièrement tendus. De surcroît, l’UE est engagée dans un processus visant à réduire massivement ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à la fin de la décennie. En juillet, elle a choisi d’inclure le nucléaire, une source d’électricité bas carbone, dans la liste des investissements « verts » permettant de lutter contre le réchauffement.

Pour certains Etats, sanctionner Rosatom reviendrait aussi à rompre de multiples relations commerciales et des engagements de long terme. « Si le volet nucléaire était abordé dans le cadre des sanctions, il y a fort à parier que la Hongrie s’y opposerait », estime par exemple Phuc-Vinh Nguyen, expert à l’Institut Jacques-Delors.

L’inertie liée au nucléaire représente une autre difficulté. Si des sanctions étaient décidées, il faudrait sans doute des années pour mettre en place des alternatives fiables sans mettre en péril la sûreté des installations. La plupart des Etats ont des réserves d’uranium suffisantes pour faire fonctionner leurs réacteurs plusieurs mois, voire plusieurs années, mais conclure de nouveaux contrats d’approvisionnement peut être complexe et coûteux, tout comme développer de nouvelles capacités de conversion, d’enrichissement ou même d’expertise. « Compte tenu du déclin de l’industrie nucléaire ces dernières années, il existe un réel manque de personnes qualifiées qui pourraient venir en appui rapidement à des pays comme la Bulgarie ou la Slovaquie », complète Mark Hibbs.

Une domination russe remise en cause ?

La guerre en Ukraine, qui expose la dépendance de l’UE ou des Etats-Unis au nucléaire russe, aura-t-elle toutefois un impact sur cette industrie ? Selon Euratom, le fonctionnement du marché a été « profondément affecté » par les évolutions géopolitiques : « Cela a compromis la confiance dans ce qui était auparavant un partenaire majeur de l’énergie nucléaire, affaiblissant la sécurité d’approvisionnement de l’UE en matières et services nucléaires et aggravant ses problèmes de dépendance », écrit l’institution dans un rapport publié en août. « Compte tenu de la guerre en Ukraine, les Etats-Unis et l’UE doivent désormais s’interroger sur la manière de réduire leur dépendance à Rosatom », conviennent aussi les porte-parole du groupe Orano (ex-Areva) en France.

De fait, si la plupart des experts estiment peu probable l’imposition de sanctions visant le nucléaire, la domination de Rosatom pourrait être en partie remise en cause, et le groupe perdre certaines parts de marché. Concernant la livraison de réacteurs, la Finlande a annulé un contrat passé avec Rosatom pour la construction de la centrale de Hanhikivi après le déclenchement du conflit. « Le rôle de développeur de nouvelles centrales du groupe russe va être restreint, estime Marc-Antoine Eyl-Mazzega. Il ne peut plus prêter comme avant à ses clients, la guerre compliquant l’accès aux financements. » « La première perte [liée à la guerre en Ukraine] pour le secteur nucléaire est la confiance en la Russie, et la seconde concerne les perspectives d’exportation de Rosatom », écrivait aussi en juin Jeremy Gordon, un consultant dans le domaine du nucléaire. Il soulignait alors que le vide laissé par Rosatom ouvrirait le marché à d’autres acteurs dont la France, la Corée du Sud ou le Royaume-Uni.

Conséquence très concrète de la guerre, le français Orano cherche aujourd’hui à développer ses capacités d’enrichissement d’uranium, soit en construisant une nouvelle installation aux Etats-Unis, où il est déjà impliqué, soit en augmentant d’environ 30 % la capacité actuelle de l’usine de Tricastin (Drôme). Pour cette seconde option, la Commission nationale du débat public (CNDP) a déjà été saisie par le groupe, et une concertation va être organisée dès 2023. « Il y a un intérêt manifeste de clients européens et américains qui souhaitent réduire leur dépendance à la Russie, explique-t-on chez Orano. Le processus serait plus rapide en France mais tout dépendra de la vitesse à laquelle les clients s’engageront. » Il n’est d’ailleurs pas le seul sur ce créneau du cycle amont, sur lequel le groupe anglo-germano-néerlandais Urenco pousse aussi ses pions.

Concernant les combustibles, l’américain Westinghouse avait commencé dès l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 à approvisionner certains réacteurs de type VVER en Ukraine. Il devrait compter à l’avenir de nouveaux clients tels que la République tchèque, qui se fournissait jusque-là auprès de la filiale de Rosatom TVEL. La Suède, pour sa part, a annulé ces derniers mois un contrat d’importation d’uranium russe. De son côté, le français Framatome développe un combustible sous licence achetée auprès des Russes, tout en travaillant à sa propre technologie pour la fin de la décennie.

Impulsion politique

Un réalignement du marché nécessitera néanmoins, à un moment ou à un autre, une impulsion politique. « Avant de mettre de l’argent dans de nouvelles capacités, les acteurs occidentaux vont se tourner vers les gouvernements pour qu’ils établissent des politiques claires, soulignait, en mai, Matt Bowen, chercheur au Centre sur la politique énergétique mondiale de l’université Columbia (Etats-Unis). Leur inquiétude est que dans un an ou deux, peut-être moins, les produits russes soient autorisés à revenir sur les marchés, ce qui leur ferait perdre leurs investissements. » Jusqu’ici, cependant, les acteurs et Etats qui réfléchissent à diversifier leurs sources d’approvisionnement le font en toute discrétion, les liens avec l’industrie nucléaire russe n’ayant suscité que peu de débats.

Une partie du monde semble par ailleurs peu encline à remettre en question la position dominante aujourd’hui occupée par Rosatom. Le groupe a entamé ces derniers mois le chantier de construction du premier réacteur d’Egypte à El-Dabaa, dans le nord du pays, et démarré en juillet celui du quatrième réacteur de la centrale d’Akkuyu, en Turquie. La Hongrie a donné en septembre son feu vert au lancement de deux nouvelles unités et, le 23 novembre, le Kirghizistan a annoncé qu’il allait étudier la possibilité de construire avec la Russie sa première centrale. Au total, le géant russe, qui n’a pas répondu aux questions du Monde, revendique encore trente-quatre projets à l’étranger pour un montant de 140 milliards de dollars.

La Russie possède la seule usine au monde capable de « recycler » l’uranium déchargé des réacteurs nucléaires français

Le groupe français Orano a continué à envoyer jusqu’en octobre de l’uranium en Sibérie, où se trouve une installation de conversion. La guerre en Ukraine pose la question de l’avenir de la filière du retraitement.
Par Perrine Mouterde et Marjorie Cessac Le Monde

A la différence d’autres pays d’Europe de l’Est, la France ne dépend pas de la Russie pour faire fonctionner ses 18 centrales. L’uranium naturel importé provient du Niger, du Kazakhstan, d’Ouzbékistan et d’Australie. Il peut ensuite être converti et enrichi dans les installations d’Orano sur les sites de Malvési (Aude) et du Tricastin (Drôme), les combustibles étant ensuite fabriqués dans les usines du français Framatome ou de l’américain Westinghouse.

Mais la guerre en Ukraine, qui expose la dépendance européenne et mondiale à l’industrie nucléaire russe, n’est pas totalement sans conséquences sur la filière française. Car aujourd’hui, une seule installation permet de « recycler » l’uranium issu des combustibles utilisés dans les 56 réacteurs du parc : l’usine de Seversk, située dans la région de Tomsk, en Sibérie, qui appartient au groupe russe Rosatom.

Un arrêt définitif du commerce d’uranium entre Paris et Moscou aurait inévitablement des conséquences sur une filière du retraitement déjà fragilisée et pourrait conduire, à terme, à ce que l’uranium issu des combustibles usés soit considéré comme un déchet supplémentaire à gérer, et non comme de la matière pouvant être réutilisée.

Ces deux dernières années, de l’uranium a été envoyé de la France vers la Russie. L’ONG antinucléaire Greenpeace a documenté au moins cinq livraisons entre janvier 2021 et janvier 2022 : 11 conteneurs chargés dans le port du Havre, le 12 février 2021, 20 conteneurs chargés à Dunkerque, le 29 octobre 2021, et 13 conteneurs dans le même port, en novembre 2021… Le 28 septembre 2022, soit sept mois après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine, l’organisation révélait encore la présence du cargo russe Mikhail Dudin dans le port de Dunkerque.

« Les allers-retours ininterrompus de ce cargo entre Saint-Pétersbourg et Dunkerque trahissent à quel point l’industrie nucléaire française est prise au piège de sa dépendance à la Russie, dénonçait alors Pauline Boyer, chargée de campagne transition énergétique et nucléaire pour Greenpeace. La France doit de toute urgence stopper tout commerce d’énergie nucléaire avec la Russie. » Le secteur de l’atome ne fait pas l’objet de sanctions européennes.

Contrat soldé avec Rosatom

Le groupe français Orano, propriétaire d’uranium de retraitement (URT) provenant essentiellement de centrales étrangères et engagé par un contrat signé en 2020 avec Rosatom, a confirmé avoir effectué « cinq ou six livraisons » vers la Russie, pour un volume total de 1 150 tonnes. L’entreprise a toutefois révélé au Monde que ce contrat était désormais soldé, un dernier transport d’uranium ayant eu lieu en octobre 2022. Orano affirme par ailleurs ne pas envisager de signer de nouveau contrat avec le géant russe du nucléaire.

Pour EDF, qui exploite les centrales françaises et est donc propriétaire de l’uranium de retraitement issu des combustibles usés, l’enjeu est plus important. En 2018, l’électricien a signé un contrat avec une filiale de Rosatom, Tenex, pour la transformation d’URT, également à Seversk. En mars 2022, le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire indiquait qu’EDF avait repris « depuis 2021 l’envoi de lots pour réenrichissement ».

Contactée, l’entreprise ne donne pas de précision sur la mise en œuvre de ce contrat, mais assure qu’« aucune livraison ni importation » d’uranium vers ou en provenance de Russie « n’ont eu lieu depuis février 2022 ». Selon les informations de Greenpeace, le gouvernement aurait sommé EDF de cesser ses exportations. Le ministère de la transition énergétique ne souhaite pas s’exprimer sur ce dossier.

EDF affirme par ailleurs avoir « engagé des discussions » avec Orano et avec Westinghouse pour mettre en place une installation de conversion de l’URT en Europe de l’Ouest. « La construction d’une usine prendra une dizaine d’années et décalera d’autant la réutilisation de cette matière, explique l’énergéticien. En attendant, l’URT sera stocké à Pierrelatte [Drôme], dans des entrepôts. » Fin octobre, Orano n’envisageait pas d’investir à court terme dans une installation de conversion, faute de débouchés suffisants. « Nous sommes à disposition s’il y a des besoins, mais il faut une réelle demande pour développer un nouvel atelier », expliquait le groupe, ajoutant que, « pour l’instant, il n’y [avait] pas d’urgence. »

La France est en effet l’un des seuls pays à avoir fait le choix du retraitement, et donc à avoir besoin de telles capacités. Une fois les assemblages de combustibles usés déchargés des centrales et refroidis, les éléments qui les composent sont séparés : les déchets ultimes (4 %) sont entreposés à La Hague (Manche) ; le plutonium (1 %) est expédié à Marcoule (Gard) pour fabriquer un nouveau combustible appelé MOX ; et l’uranium de retraitement (95 %) est envoyé vers les installations d’Orano à Pierrelatte. Officiellement destinés à être réutilisés, le plutonium et l’URT sont considérés comme des matières radioactives, et non comme des déchets.

Risque de saturation

De 1972 à 2010, plusieurs milliers de tonnes d’URT ont été envoyées vers la Russie. En 2010, ces exportations ont pris fin pour des raisons économiques – le cours de l’uranium naturel était bas –, mais aussi environnementales, le procédé alors utilisé pour la transformation de l’uranium à Seversk étant particulièrement polluant. Depuis 2013, la réutilisation de l’URT converti et réenrichi, possible uniquement dans la centrale de Cruas (Ardèche), est à l’arrêt. EDF confirme vouloir relancer cette utilisation en 2023 « a minima pour une recharge » afin de « refaire la démonstration du caractère recyclable de l’URT ».

Dans les entrepôts de Pierrelatte, près de 34 000 tonnes d’URT s’accumulent, les stocks augmentant d’environ 1 000 tonnes par an. En raison du risque de saturation, de nouvelles capacités d’entreposage doivent être mises en service prochainement. Une situation qui avait déjà poussé l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à évoquer, en octobre 2020, « la perspective d’une éventuelle requalification de l’uranium de retraitement en déchet radioactif pour les volumes qui ne seraient pas utilisés ». Même si l’URT était réutilisé à partir de 2023, cela ne suffirait pas à compenser la production annuelle, expliquait le gendarme du nucléaire.

« Dans l’hypothèse où aucune perspective d’utilisation à long terme n’apparaîtrait pour l’uranium de retraitement, il conviendrait alors de le requalifier et de le gérer comme un déchet, répète aujourd’hui l’ASN. La décision de poursuivre ou non le retraitement appartient aux acteurs industriels et institutionnels. » « Soit un projet de conversion voit le jour en dehors de la Russie, soit il faudra se reposer la question de la qualification de cet URT », confirme Igor Le Bars, directeur de l’expertise de sûreté de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

Les opposants à l’atome dénoncent de longue date le choix du retraitement, considéré comme un moyen « d’entretenir l’illusion d’un cycle du combustible et d’un nucléaire “vert” », alors que cette option génère des coûts, des transports de matières et des déchets. Si l’industrie met en avant que 96 % des combustibles usés sont « valorisables », seul le plutonium est actuellement réutilisé.

L’usine de Melox (Gard), où est fabriqué le combustible MOX à partir de ce plutonium et d’uranium appauvri, a par ailleurs connu de grandes difficultés ces dernières années. La filière nucléaire défend au contraire l’idée que le retraitement permet de réduire la quantité d’uranium naturel excavée ainsi que les volumes de déchets.

Coût, gestion des déchets et sécurité : huit questions que pose le retour annoncé du nucléaire en France

Emmanuel Macron a dit vouloir de nouveaux réacteurs, au nom de l’indépendance énergétique de la France et de la préservation du climat. Mais où en est la filière et que suppose ce choix ?
Par Perrine Mouterde, Adrien Pécout et David Larousserie Le Monde

Quelle place la France doit-elle accorder au nucléaire dans le cadre de sa transition énergétique ? En annonçant, sans entrer dans le détail, mardi 9 novembre, sa volonté de relancer le programme nucléaire français, le président Emmanuel Macron a pris position et contribué à imposer le débat à cinq mois de la prochaine élection présidentielle.

Avec ses 56 réacteurs et ses quelque 70 % d’électricité d’origine nucléaire, la France jouit de l’un des systèmes électriques les plus décarbonés d’Europe. Mais son parc, construit entre les années 1970 et 1990, le deuxième plus important dans le monde derrière les Etats-Unis, est vieillissant : 36 ans de moyenne d’âge. Pour des raisons de vétusté, il devra en grande partie être mis à l’arrêt d’ici à la moitié du siècle.

Le pays sera donc amené à remplacer cette importante capacité de production électrique bas carbone. En parallèle, pour tenir ses objectifs climatiques et réduire sa consommation encore majoritaire d’énergies fossiles, il lui faudra surtout produire 35 % de térawattheures d’électricité de plus qu’aujourd’hui d’ici à 2050, selon le scénario central de Réseau de transport d’électricité (RTE), le gestionnaire national du réseau de transport d’électricité.

Dans ce contexte, la France doit-elle lancer un programme afin de construire en série d’autres réacteurs de nouvelle génération, les EPR (sigle anglais pour « réacteur pressurisé européen ») ? Ou bien ferait-elle mieux de tout miser sur les énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire, et sortir progressivement du nucléaire ? A ce sujet, opinion, experts et politiques restent divisés.

De nouveaux réacteurs sont-ils indispensables face au défi climatique ?

Pour ses partisans, se passer de l’atome à l’heure de l’urgence climatique serait une aberration. Le nucléaire est, avec l’éolien, la source d’énergie qui émet le moins de gaz à effet de serre au cours de son cycle de vie, soit de l’extraction du minerai au démantèlement des installations. D’après l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), le nucléaire a permis d’éviter dans le monde au moins l’équivalent de 60 gigatonnes de CO2 depuis 1970, soit cinq années d’émissions mondiales du secteur électrique. Les réacteurs ont aussi l’avantage de produire de l’électricité à la demande et de manière continue, contrairement aux éoliennes et aux panneaux solaires, dont la production varie avec la météo ou le cycle jour/nuit. Ils sont, pour leurs défenseurs, un complément incontournable au développement des renouvelables.

Au niveau mondial, les grandes institutions, dont l’Agence internationale de l’énergie (AIE), misent sur une augmentation des capacités de production nucléaire au cours des prochaines décennies. « Le défi du changement climatique est tellement immense que nous ne pouvons nous permettre d’exclure des technologies bas carbone », estime Fatih Birol, le directeur général de l’AIE. La part globale de l’atome dans la production mondiale d’électricité restera toutefois limitée – moins de 10 %, selon l’AIE.

Pour les opposants au nucléaire en revanche, la construction de nouveaux réacteurs n’est pas nécessaire à l’atteinte de nos objectifs climatiques. Ils pointent d’abord la question des délais : en France, la mise en service d’une première paire d’EPR ne devrait pas intervenir avant, au mieux, 2035 ou 2040. Ils ne contribueront donc pas à la très forte réduction des émissions attendue d’ici à 2030. Des experts et des ONG avancent que la priorité, pour répondre rapidement au défi du réchauffement, est plutôt d’agir sur la maîtrise de la consommation et l’efficacité énergétique, tout en développant les renouvelables et les solutions de flexibilité, comme notamment le stockage par batterie. Dans son rapport publié le 25 octobre, le gestionnaire national RTE laisse le débat ouvert. Sur les six scénarios permettant tous d’atteindre la neutralité carbone en 2050, trois misent sur la mise en service de nouveaux réacteurs.

La filière est-elle capable de construire de nouveaux réacteurs ?

La France a longtemps vécu sur son parc historique. Une dizaine d’années sépare la mise en service du dernier réacteur inauguré à Civaux (Vienne), en 1999, et le lancement, en 2007, du chantier actuel de Flamanville (Manche). Un « trou » qui a notamment conduit à « une perte de compétences généralisée », comme l’a pointé en 2019 le rapport Folz portant sur les déboires du chantier de Flamanville.

Ces dernières années, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s’est également inquiétée à plusieurs reprises de la « capacité industrielle d’EDF et des intervenants de la filière » dans le cadre des travaux colossaux engagés actuellement pour prolonger de dix ans l’activité des réacteurs déjà existants. Fin 2020, son président, Bernard Doroszczuk, rappelait que le secteur devait, d’une certaine façon, faire ses preuves : « La filière se mobilise pour qu’il y ait de nouveaux grands projets », mais « il faut d’abord qu’elle démontre sa capacité à réussir le réexamen » des réacteurs atteignant l’âge de 40 ans. « C’est en quelque sorte un test préalable », insistait-il.

Aujourd’hui, la filière se déclare « prête » à reprendre les grands travaux, comme le groupe Electricité de France (EDF) l’a encore affirmé, le 8 novembre, à l’occasion d’un point d’étape du « plan Excell ». Depuis 2019, le groupe coordonne ce « plan d’excellence de la filière nucléaire » visant à restaurer « la confiance » et à « fabriquer conforme du premier coup ». L’électricien national souligne qu’à la différence des premiers EPR, qui s’apparentaient à un prototype de tête de série, les nouveaux réacteurs reposeront sur une conception simplifiée. Par exemple, « la diversité des robinets en catalogue a été divisée par 10, passant de 13 000 [pour l’EPR de Flamanville] à 1 200 références [pour les futurs EPR]. »

En parallèle de Flamanville, EDF a participé au lancement effectif du premier EPR dans le monde en 2018 : celui de Taishan, en Chine, où une fuite de gaz rares a déjà entraîné une mise provisoire à l’arrêt. Le groupe mène aussi un projet, toujours en cours, au Royaume-Uni (Hinkley Point C). « Pour aller au bout des investissements nécessaires, les entreprises auront besoin de visibilité », souligne Cécile Arbouille, déléguée générale du Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire. La filière française, qui revendique 220 000 emplois directs et indirects, estime qu’une nouvelle paire de réacteurs pourrait représenter 10 000 emplois supplémentaires. Mme Arbouille espère attirer « les bonnes compétences au bon moment », alors que le pays manque par exemple de soudeurs, toutes filières confondues.

Combien coûterait la relance d’un programme nucléaire et qui le paierait ?

A Flamanville, la facture s’est envolée : de 3,3 milliards d’euros envisagés en 2007, l’enveloppe globale pourrait atteindre 19,1 milliards d’euros en 2023 (dont 12,4 milliards de coûts de construction), selon la Cour des comptes. Pour autant, EDF l’assure : le lancement de six nouveaux EPR permettrait d’abaisser les coûts, du fait d’une production en série. L’exploitant table aujourd’hui sur un coût de 46 milliards d’euros pour la construction de trois nouvelles paires de réacteurs, quand les ministères de la transition écologique et de l’économie envisagent déjà une fourchette supérieure, de 52 à 64 milliards d’euros, selon un document de travail révélé par le média Contexte.

Les modalités exactes du financement n’ont pas encore été tranchées, et ne seront pas neutres pour EDF (dont l’Etat détient la majorité des parts), déjà fortement endettée. Le déploiement de nouveaux réacteurs nécessiterait une implication des pouvoirs publics, par exemple sous forme de garantie d’emprunt. « Les coûts de production d’électricité dépendront beaucoup du schéma financier, un peu comme s’il s’agissait d’une voiture pour laquelle vous payez chaque mois, explique Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d’énergie nucléaire. Tout dépendra du taux auquel vous avez emprunté. » L’Etat lève en effet de l’argent sur les marchés à de bien meilleurs taux que les acteurs privés.

Dans son rapport du 25 octobre, RTE estime, en se fondant sur une hypothèse centrale d’un coût de financement assez faible (4 %), que construire de nouveaux réacteurs est « pertinent du point de vue économique ». Malgré des « coûts bruts de production des nouvelles centrales nucléaires (…) en moyenne plus élevés que ceux associés aux grands parcs d’énergies renouvelables », et malgré les montants nécessaires au retraitement et au stockage des déchets radioactifs comme au démantèlement futur des sites, les scénarios les plus nucléarisés « peuvent conduire, à long terme, à des coûts plus bas pour la collectivité qu’un scénario 100 % renouvelables ».

Pour le système électrique, la méthode de calcul retenue par RTE est celle des « coûts complets annualisés ». En raison de leur caractère intermittent, les énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire supposent davantage de capacités d’acheminement ou de flexibilité (stockage, pilotage de la demande et nouvelles centrales d’appoint).

La conclusion de RTE ne convainc pas les opposants au nucléaire, qui soulignent la très forte chute des coûts du solaire et de l’éolien observée ces dernières années. « En prenant en compte l’incertitude liée aux hypothèses [prises par RTE], les différents scénarios relèvent des mêmes ordres de grandeur en matière de coûts : il n’y a pas véritablement d’avantage économique du nucléaire », estime Greenpeace. Selon l’étude de RTE, le scénario du mix électrique à l’horizon 2060 le moins coûteux (et aussi le plus nucléarisé) représenterait 59 milliards d’euros par an, contre 80 milliards pour le scénario le plus onéreux (sans nouveau nucléaire).

Le nouveau nucléaire présente-t-il des gages de sûreté ?

Dans son bilan annuel 2020 sur l’état des installations du parc, Bernard Doroszczuk indique que la sûreté s’est « globalement améliorée » en 2020, tout en pointant la persistance de « points d’attention ». Les futurs EPR2, s’ils voient le jour, seront-ils plus sûrs que les réacteurs actuels ? Le gendarme du nucléaire a validé, en 2019, les « options de sûreté » proposées par EDF pour ces futures installations, qui devraient garantir le même niveau de sûreté que l’EPR de Flamanville.

« La vraie marche en matière de sûreté se trouve entre les réacteurs dits de deuxième génération, qui fonctionnent actuellement en France et dont la conception date des années 1970, et la troisième génération, dont font partie Flamanville 3 et les EPR2 », précise Julien Collet, le directeur général adjoint de l’ASN. La troisième génération prend notamment en compte, dès sa conception, le risque d’un accident avec fusion du cœur et celui d’agressions externes, telles que des séismes ou des inondations extrêmes.

Malgré ces progrès, les opposants rappellent que la France ne sera jamais totalement à l’abri d’un accident, citant les catastrophes de Tchernobyl (1986) et de Fukushima à la suite d’un tsunami (2011). Les conséquences pour les populations ou l’environnement peuvent être majeures. Ils estiment aussi que le système de contrôle de la sûreté, qui repose notamment sur le principe de la déclaration des incidents par EDF, n’est pas suffisant.

Sait-on gérer les déchets et démanteler les installations ?

Outre le risque d’accident ou d’atteintes à l’environnement, la gestion des déchets est le sujet qui préoccupe le plus les opposants au nucléaire. Fin 2019, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs stockait 1,67 million de mètres cubes de déchets radioactifs. Les plus dangereux ne représentent qu’une toute petite part de ce volume : 3 % d’entre eux concentrent plus de 99 % de la radioactivité – ils resteront radioactifs jusqu’à des centaines de milliers d’années. Actuellement entreposés dans les installations d’Orano à La Hague (Manche), ils pourraient à terme être enfouis sous 500 mètres d’argile à Bure, dans la Meuse.

Le projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), encore fortement contesté, attend sa reconnaissance d’utilité publique, qui pourrait être déclarée dans les prochaines semaines. A l’échelle mondiale, aucun site de stockage définitif de ces déchets de haute activité n’a encore été mis en service, à l’exception d’une installation pilote aux Etats-Unis pour des déchets issus du programme militaire.

Au-delà de Cigéo, l’ASN a multiplié les alertes concernant le risque que des « filières de gestion sûres » ne soient pas disponibles dans les quinze à vingt ans à venir pour les autres types de déchets, faute de décisions politiques rapides. A La Hague, les piscines où sont entreposés les combustibles usés seront saturées à l’horizon 2030. Même chose pour l’installation abritant les déchets très faiblement radioactifs à Morvilliers (Aube), alors que d’autres produits, comme des éléments conditionnés dans du bitume, n’ont toujours aucune solution de stockage pérenne.

Les partisans du nucléaire avancent, de leur côté, que la filière a fait la démonstration, depuis quarante ans, de sa capacité à gérer les déchets qu’elle produit sans impact sanitaire ou sur l’environnement. « Les déchets les plus dangereux sont en très petite quantité par rapport au service qu’ils nous rendent, insiste Myrto Tripathi, présidente de l’association Voix du nucléaire. Et Cigéo est une solution pour les gérer. »

Concernant le démantèlement, neuf réacteurs de quatre technologies différentes sont actuellement « en cours de déconstruction en France », selon EDF. Le plus ancien se trouve à Chinon (graphite gaz) et sa mise à l’arrêt remonte à… 1973. La déconstruction des réacteurs de deuxième génération (à eau pressurisée), qui constituent la majorité du parc, coûterait selon l’exploitant entre « 350 et 400 millions d’euros » par unité. Outre ceux de Fessenheim (Haut-Rhin) en 2020, seuls deux réacteurs de cette catégorie ont déjà été arrêtés sur le site de Chooz (Ardennes) : la fin de leur démantèlement est prévue pour 2024, soit trente-trois ans après leur mise à l’arrêt. A l’avenir, EDF espère accomplir ses prochaines déconstructions en une quinzaine d’années de travaux.

En quoi le nucléaire est-il un gage d’indépendance ?

Depuis le début, le nucléaire repose sur l’idée d’une certaine souveraineté de la France. En mars 1974, moins d’un an après le choc pétrolier, le plan Messmer, du nom du premier ministre d’alors, avait un objectif : se passer d’importations d’hydrocarbures pour la production nationale de l’électricité, à partir des centrales réparties dans le pays. Aujourd’hui encore, alors que la consommation d’énergie repose en France principalement sur des importations d’énergies fossiles, les partisans du nucléaire soulignent l’intérêt d’une source d’énergie produite sur le territoire.

En partie grâce à l’atome, la France produit sur son sol un peu plus de la moitié de son énergie consommée (54,6 % en 2019). Pour autant, ce pourcentage baisserait significativement si l’Agence internationale de l’énergie et Eurostat prenaient en compte l’origine du minerai nécessaire à la combustion nucléaire. Le pays importe environ 8 000 tonnes d’uranium naturel par an, notamment en provenance du Kazakhstan, du Canada et du Niger. « La géopolitique de l’uranium n’est pas du tout la même que celle des énergies fossiles, la répartition de l’uranium est plus homogène sur terre et il se stocke très facilement pendant plusieurs années », précise Michel Berthélemy, économiste à l’Agence pour l’énergie nucléaire, rattachée à l’Organisation de coopération et de développement économiques.

Le minerai étant présent dans une variété de pays et sur tous les continents, les risques de dépendance à tel ou tel pays sont moindres. « L’uranium représente à peu près 5 % du coût global de production de l’électricité », indique le groupe Orano, spécialisé dans les métiers du combustible, pour signifier que les fluctuations des cours de ce minerai ne modifieraient qu’à la marge la facture totale.

Un débat démocratique est-il possible ?

Après l’annonce du président sur la construction de nouveaux réacteurs, les détracteurs du nucléaire ont dénoncé une décision « antidémocratique » et « unilatérale ». « S’il s’était exprimé en tant que candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron aurait été tout à fait légitime à se prononcer en faveur d’une relance du nucléaire, a par exemple réagi France Nature Environnement. Le problème, c’est qu’il a annoncé cette relance en tant que président. Les citoyennes et citoyens méritent d’être maîtres de l’avenir énergétique et décarboné de la France à travers un vrai et riche débat démocratique. » « Ce n’est pas en imposant des décisions depuis l’Elysée que l’on réussira notre transition énergétique », a aussi estimé Greenpeace.

De fait, la construction – ou non – de nouveaux réacteurs ne sera mise en œuvre que lors du prochain quinquennat, en fonction du candidat qui aura été élu. Avec cette annonce, Emmanuel Macron a surtout clarifié sa position dans le cadre de la campagne présidentielle. « Au moins ses intentions sont claires, estime Nicolas Goldberg, analyste énergie auprès du cabinet Colombus Consulting. Et il y aura forcément des débats au Parlement, dans le cadre d’un projet de loi de finances à propos du financement, autour de la régulation, pour la mise à jour de la programmation pluriannuelle de l’énergie… » Ce document, qui constitue la feuille de route énergétique de la France, doit être révisé d’ici à 2023.

Au Parlement, une quinzaine de députés ont déposé mi-octobre une proposition de loi pour renforcer les pouvoirs du Parlement sur la stratégie nucléaire, en instituant diverses mesures de transparence afin que les élus puissent se prononcer « de façon éclairée sur des choix qui engagent l’avenir de toute une nation ». Les citoyens pourraient être consultés lors du choix des sites retenus pour implanter de nouveaux réacteurs, si leur construction était effectivement lancée.

Où en est la recherche sur le nucléaire ?

Fin août 2019, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) décidait d’abandonner un projet de recherche sur un nouveau type de réacteur nucléaire, dit de quatrième génération, Astrid. « Astrid constituait le programme phare de la recherche nucléaire française. L’industrie nucléaire française ne dispose plus aujourd’hui de projet comparable de long terme, permettant aux chercheurs de confronter et valider de nouvelles options technologiques », résume un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques du 8 juillet (Opecst), qui craint « un risque de perte de l’acquis de soixante-dix ans de recherche ».

Sur les six concepts de quatrième génération qu’explorent Etats-Unis, Russie, Chine ou Inde, la France ne conserve des compétences que sur deux. La famille Astrid, dite des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium, et celle dite des sels fondus, où le combustible est liquide, mélangé à des sels qui servent aussi de caloporteurs. Ces deux technologies consomment mieux l’uranium et peuvent aussi « brûler » le plutonium ou d’autres produits, permettant de réduire les déchets à traiter et de limiter les risques de dépendance à l’uranium.

Une autre voie de recherche est également explorée sans projet de prototype en France, les réacteurs pilotés par accélérateur de particules, pour transmuter la matière, c’est-à-dire transformer des éléments radioactifs en éléments de plus courte durée de vie ou moins actifs. Depuis octobre, le plan d’investissements France 2030 a porté l’attention sur les « petits réacteurs modulaires », de plus faible puissance et n’impliquant pas de rupture technologique. Le projet Nuward, entre notamment EDF et le CEA, doit déboucher sur un démonstrateur vers 2035. Mais il se destine principalement à l’export.

Finalement, le projet le plus concret en recherche nucléaire est le réacteur international ITER, en cours de construction dans les Bouches-du-Rhône, dont le but est de démontrer la capacité à générer de l’énergie par la fusion nucléaire, plutôt que par la fission, le principe qui anime jusqu’à présent tous les réacteurs.

INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE DE LA FRANCE ET NUCLÉAIRE

On entend souvent dire, par des dirigeants politiques favorables au nucléaire, que cette énergie est garantede notre indépendance énergétique. Cette affirmation serait justifiée par le fait que les approvisionnements en uranium sont diversifiés et que la France a la maîtrise technologique de l’ensemble de la chaîne de transformation de l’uranium en « combustible » et de son « retraitement »1.

Pourtant, aucune personne sensée n’oserait affirmer aujourd’hui que le pétrole brut assure notre indépendance énergétique grâce à des approvisionnements diversifiés et à notre maîtrise technologique, du transport, du raffinage et de la transformation des produits raffinés, en chaleur dans des chaudières, en force motrice dans des moteurs, en électricité dans des centrales thermiques, etc. Le pétrole importé n’assure pas notre indépendance énergétique, c’est une évidence.
Pour ce qui concerne l’énergie nucléaire et l’indépendance énergétique de la France, la réalité est bien 
différente de ce que certains prétendent. Quelle est cette réalité et quelles en sont les conséquences ?

Qu’appelle
ton indépendance énergétique, comment la mesureton, quelle est sa valeur actuelle ?

Selon l’INSEE, le taux d’indépendance énergétique d’un pays est le rapport entre sa production d’énergie 
primaire (chaleur générée par la fission nucléaire dans les réacteurs, charbon, pétrole, gaz naturel, hydraulique, énergies renouvelables) et sa consommation en énergie primaire. Ce taux est généralement indiqué pour une année et l’INSEE en fait le calcul en utilisant une convention datant de l’époque où l’uranium des réacteurs nucléaires provenait de mines françaises. Selon cette convention, la chaleur produite par la fission de l’uranium est une production nationale. C’est ainsi que l’INSEE indique un taux d’indépendance énergétique de la France de 55,5 % pour l’année 2020 2.
Pourtant, l’uraniu
m est entièrement importé, soit sous une forme (« yellow cake »3, hexafluorure d’uranium4uranium enrichi) qui nécessite des traitements complémentaires pour être utilisable dans les réacteurs, soit sous la forme d’assemblages de « combustibles » prêts à l’emploi 5.

En réalité, les seules sources d’énergie non importée qui contribuent à l’indépendance 
énergétique française sont les renouvelables et le peu de pétrole et de gaz extraits du soussol. En 2020, le taux d’indépendance énergétique réel, calculé avec les données Eurostat6, était de l’ordre de 13,5 %. On est bien loin de la valeur annoncée par l’INSEE.
La France est donc un pays très dépendant des importations d’énergies fossiles et d’uranium
. Tout comme l’industrie pétrolière, l’industrie nucléaire mondialisée et sous influence de pays guerriers comme la Russie, est une source de dépendance énergétique et géopolitique.

D’où vient l’uranium importé sous
forme de « yellow cake » ou sous d’autres formes ?

Selon un article du journ
al Le Monde7, l’uranium nécessaire au fonctionnement des centrales nucléaires françaises est importé en totalité depuis 2003. L’exploitation de la dernière mine d’uranium en France a cessé en 2001. En 2020, l’uranium a été importé pour près de 10 % d’Australie, 26 % d’Ouzbékistan, 35 % du Niger et près de 29 % du Kazakhstan. C’est donc 90 % de l’uranium importé en 2020 qui provenait de pays sous
infl
uence russe ou chinoise, depuis que la Chine est installée au Niger8 et que la milice proPoutine Wagner opère au Mali 9. Et 55 % de l’uranium importé en 2020 provenait du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan. Or, dans ces deux pays, selon Le Monde, « Moscou est en position de force 10 » et, selon Le Point, « la Russie et l’Ouzbékistan scellent leurs liens dans tous les domaines 11 ».

Selon un article du quotidien de l’écologie
Reporterre12, qui cite une note de l’ONG Greenpeace, « la France a importé 19 245 tonnes d’uranium naturel et 8 213 tonnes d’uranium enrichi de Russie entre 2000 et 2020 ».

Toujours selon
Reporterre (référence 3), l’usine ANF (Advanced Nuclear Fuels, filiale de Framatome) de Linden en Allemagne, alimentée en hexafluorure d’uranium par la Russie, livre des «assemblages combustibles » pour les réacteurs nucléaires français.

Quelle est notre dépendance énergétique au nucléaire ?
En 2020, l’électricité issue des centrales nucléaires et consommée en France a fourni 16
% de toutes les consommations finales d’énergie (celle que les consommateurs achètent sous forme de combustibles, de chaleur et d’électricité). Notre dépendance énergétique au nucléaire est donc de cet ordre et bien moindre que notre dépendance aux énergies fossiles, de l’ordre de 60 %. S’affranchir très rapidement de cette dépendance énergétique au nucléaire ne devrait donc pas constituer un obstacle insurmontable pour un pays technologiquement développé comme la France. L’Italie et l’Allemagne, qui ont choisi d’arrêter le nucléaire, ont une indépendance énergétique, avec ou sans énergies fossiles extraites de leur soussol, significativement plus élevée que celle de la France (voir annexe). Et ils ne dépendent plus d’importations d’uranium provenant de pays sous influence russe. L’Allemagne dispose en outre de mines et de centrales à charbon qu’elle peut utiliser de manière plus intense qu’actuellement en cas de nécessité.

La France peutelle résister longtemps aux aléas de fonctionnement des centrales nucléaires et aux mauvais choix de politique énergétique ?

Au cours de l’hiver 2021
2022, la puissance électrique maximale consommée,enregistrée le 14 janvier 2022 à 9 h 30, a été de 87 039 MW. Si les 56 réacteurs des centrales nucléaires françaises avaient été en état de fonctionner, ils auraient pu fournir 61 370 MW. Mais ce jourlà, 10 d’entre eux étaient complètement arrêtés et 6 autres à puissance réduite. Ceux qui étaient encore en état de marche ont alors fourni 48 585 MW. C’était
insuffisant pour l’équilibre du réseau. Heureusement, la France dispose encore de moyens de production 
« pilotables » et moins aléatoires que le nucléaire (centrales hydroélectriques de barrage, centrales à gaz, à charbon et à fioul) et de moyens de production au fil de l’eau, du soleil et du vent. Ils ont alors fourni 31 391 MW. Et d’autres moyens de production, dans les pays riverains de la France, ont fourni le solde (7 063 MW) indispensable pour passer la pointe de consommation.

L’approvisionnement électrique de la France est donc sous triple dépendance :

à de l’uranium entièrement importé de pays pour la plupart alliés à la Russie,
à des installations nucléaires de forte puissance vieillissantes, dont les indisponibilités sont de plus en plus fréquentes13, dont le fonctionnement est très aléatoire dans un monde incertain soumis aux « crises » (sanitaires, géopolitiques, guerres, attentats) et aux aléas climatiques,
aux importations d’électricité (essentiellement en provenance d’Allemagne) en période de pointes de consommation mais aussi hors de ces périodes lorsque plusieurs réacteurs nucléaires sont indisponibles.
Le recours important au chauffage électrique, générateur d’appels de puissance élevés en période froide 
(selon RTE, un degré de baisse de température extérieure augmente la puissance appelée sur le réseau de 2 400 MW), est un facteur aggravant de dépendance.
La guerre de Poutine en Ukraine devrait pousser le gouvernement français à revoir de toute urgence sa 
politique énergétique. Et il ne s’agit pas de faire la même erreur que celle commise dans les années 1970 au moment des « chocs pétroliers ». Il s’agit de s’affranchir du nucléaire, c’estàdire de technologies militaro– civiles qui provoquent des catastrophes d’ampleur mondiale, d’installations défaillantes, énergétiquement
inefficaces
, importatrices d’uranium, productrices d’effluents et déchets radioactifs ingérables et potentielles cibles militaires.

François Vallet
septembre 2022

Annexe : taux d’indépendance énergétique et autres indicateurs pour quelques pays d’Europe en 2020
Pays ou groupe de pays
                                        EU27 Allemagne Espagne France Italie
Efficacité énergétique (consommation finale
d’énergie/consommation d’énergies primaires).       64,2 % 67,6 % 61,2 % 57,1 % 71,5 %
Part des renouvelables dans la consommation
finale 
d’énergie.                                                       26,4 % 24,0 % 27,2 % 21,8 % 26,5 %
Indépendance énergétique (rapportée à la
consommation 
d’énergies primaires).                      28,9 % 28,4 % 17,1 % 13,5 % 26,2 %
Indépendance énergétique (rapportée à la
consommation 
finale d’énergie).                              45,0 % 42,0 % 28,0 % 23,7 % 36,6 %

Les indicateurs suivants ont été calculés à partir des statistiques énergétiques publiées par Eurostat.
Parmi les 4 pays examinés, et par rapport à la moyenne européenne (EU 27), c’est la France qui a le système 
énergétique le moins efficace, la plus faible part d’énergies renouvelables et le plus faible taux d’indépendance énergétique. De ce point de vue, c’est un des maillons faibles de l’Europe dans la situation de guerre aux frontières de l’Union européenne.

Pour assurer son approvisionnement énergétique, la France dépend non seulement de pays hors UE, de pays sous influence de la Russie pour l’uranium, mais aussi de ses voisins de l’UE pour assurer l’équilibre de son réseau électrique.

Pour illustrer la dépendance énergétique de la France, il suffit de comp
arer notre consommation d’énergies fossiles avec celle de l’Italie, pays qui n’a plus aucun réacteur nucléaire en fonctionnement et dont le nombre d’habitants est très proche (en 2020, 59,6 millions en Italie, 67,4 millions en France). En 2020 l’Italie a consommé 111,9 Mtep sous forme de charbon, de pétrole et de gaz, et la France 107,7. L’Italie par ailleurs augmente régulièrement la part des énergies renouvelables dans sa production d’électricité : de moins de 16 % en 1990, elle est passée à 39 % en 2019, alors que cette même année la France arrivait à peine à 20 %.

1 Réponse de la ministre de la transition énergétique, aux questions du député LFI Matthias Tavel, lors de son audition à l’Assemblée Nationale le 13 septembre 2022
https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12149243_63207c68b962b.commission-des-affaires-economiques–mme-agnes-pannier-runacher-ministre-de-la-transition-energeti-13-septembre-2022?timecode=3524020
2 Bilan énergétique de la France – Données annuelles de 2011 à 2020 – Chiffres-clés – Paru le : 24/12/2021


3 Concentré d’uranium sous forme de d’octaoxyde de triuranium U₃O₈.

4
https://reporterre.net/L-encombrante-livraison-d-uranium-russe-a-l-Europe
5
https://fr.wikipedia.org/wiki/Usine_Framatome_de_Lingen
6
https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/energy/data/energy-balances
7 L’indépendance énergétique de la France grâce au nucléaire : un tour de passe-passe statistique

8 Uranium : une société chinoise va lancer de nouvelles prospections au Niger Reporterre 10 octobre 2018


Niger : la ville d’Arlit perd une mine d’uranium et plus de 600 emplois France Info Afrique 18 mars 2021


9 Avancées russes sur le continent africain : l’UE doitelle s’en inquiéter ? – RTBF 20 février 2022

https://www.rtbf.be/article/avancees-russes-sur-le-continent-africain-lue-doit-elle-sen-inquieter-10935681

10 Moscou en position de force au Kazakhstan

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/01/08/entre-le-kazakhstan-et-la-russie-une-relation-ambivalente_6108655_3210.html

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https://www.lepoint.fr/monde/la-russie-et-l-ouzbekistan-scellent-leurs-liens-dans-tous-les-domaines-19-10-2018-2264208_24.php
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https://reporterre.net/En-pleine-guerre-la-France-recoit-de-l-uranium-russe
13 EN 2020, selon le World Nuclear Industry Status Report de 2021 (pages 87 à 89), l’indisponibilité totale des réacteurs nucléaires a été de l’ordre de 32 %, avec 10 réacteurs complètement arrêtés toute l’année

https://www.worldnuclearreport.org/IMG/pdf/wnisr2021-lr.pd

La politique énergétique de l’État met le pays en danger.

Notre pays, de plus en plus dépendant des pays voisins pour assurer son approvisionnement en électricité, apparaît particulièrement fragile pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine et aux événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents.

En prolongeant le fonctionnement des vieux réacteurs, il accroît le risque de catastrophe atomique. En prétendant lancer la construction de nouveaux réacteurs EPR, le gouvernement s’enferre dans des choix de politique énergétique qui nous amènent dans un mur.

La vétusté de nos centrales, l’émergence de défauts génériques et le réchauffement climatique entraînent, avec l’arrêt de la moitié du parc, une production insuffisante pour assurer les besoins en électricité du pays. Il en résulte un appel croissant au soutien des pays voisins.

Si jusque-là la France peut compter sur le réseau européen pour assurer ses pointes de consommation, ses besoins d’importation en cours de journée s’accroissent avec la défaillance de ses centrales, tandis que l’importation réduite d’hydrocarbures russes va rendre plus difficiles et plus chers les transferts d’électricité depuis les pays proches.

Le pays est donc confronté à de sérieuses difficultés : hausse importante du prix de l’électricité, délestages probables en période de pointe (coupures de courant temporaires et localisées) afin d’éviter un effondrement du réseau au cas où la consommation dépasserait l‘énergie électrique disponible. La tentation est grande de faire fonctionner des équipements en dehors des normes de sûreté et de faire courir le danger d’une catastrophe atomique. On ne peut pas compter sur la vigilance de l’Autorité de sûreté nucléaire, trop soumise aux impératifs de survie de cette industrie.

Notons, pour en rire si c’est possible, que l’ASN a dénoncé le cas caricatural des groupes électrogènes diesel de secours des réacteurs nucléaires : cette technique on ne peut plus rustique, sur laquelle repose notre sécurité, est déclarée défaillante, en particulier en cas de séisme ! Et ils peuvent même prendre feu au démarrage.

Comment en est-on arrivé là ? Il faut pour le comprendre remonter aux choix de politique énergétique engagés par l’État depuis une soixantaine d’années : investissements massifs et coûteux dans le « tout nucléaire » électrique, avec la construction à marche forcée de 58 réacteurs, qui de ce fait arrivent tous en fin de vie dans la même décennie –, promotion du chauffage électrique, encore relancé actuellement alors qu’en Suisse par exemple il est interdit, développement de la climatisation, autant d’obstacles au développement de l’efficacité énergétique et à la de moyens de production d’énergie renouvelable décentralisés et beaucoup moins dangereux que le nucléaire (solaire, éolien essentiellement).

Cela n’empêche pas l’Etat de prétendre vouloir relancer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR au nom d’une indépendance énergétique chimérique, du soi-disant faible coût de l’électricité nucléaire, en fait financé par nos impôts pour éviter la faillite d’EDF, et de la prétendue production d’énergie décarbonée.

Mais l’énergie nucléaire n’est pas une solution face au réchauffement climatique — même si la France a réussi, à force de lobbying, à faire adopter par l’Union européenne qu’elle soit considérée comme énergie de transition.

En effet, le faible rendement thermique des centrales fait que les deux tiers de la chaleur produite ne servent qu’à réchauffer l’environnement. De surcroît, la pénurie d’eau et les conditions climatiques extrêmes en rendent le fonctionnement intermittent.

De plus, sachant qu’au maximum de ses possibilités, l’électricité nucléaire a couvert à peine 17 % de la consommation totale d’énergie en France, il faudrait, pour réduire significativement la consommation d’énergie fossile, construire près de 200 réacteurs, et cela dans des délais extrêmement courts . Est-ce seulement imaginable ?

Enfin, avec tout ce qu’elle implique d’extraction de matériaux, de béton, d’énergie, de transports, de rejets, c’est un mensonge de prétendre que l’énergie nucléaire est décarbonée.

N’oublions pas non plus l’énorme production de déchets radioactifs, à gérer pour des temps infinis à notre échelle, les dégâts sur la santé des êtres vivants et bien sûr les risques de catastrophe !

Aux mains de la nucléocratie, l’État s’entête, ne veut rien comprendre, cela pour protéger les intérêts de grands groupes et d’élus locaux bénéficiant de la « manne » nucléaire, mais aussi pour préserver la maintenance de la force de frappe au nom de sa « grandeur ». Il s’apprête déjà à annoncer la construction de 6 réacteurs EPR au mépris de toute démocratie.

Pourtant il est acquis que l’avenir passe par d’autres voies. Et d’abord par la sobriété et l’efficacité énergétiques, appliquées jusqu’au plus haut sommet de l’Etat et des grandes entreprises, la meilleure énergie étant celle qui n’est pas consommée. Ce n’est certainement pas le développement du transport routier, l’éloge de la vitesse, le soutien inconditionnel aux industries aéronautiques (y compris militaires) et automobiles (voitures électriques), le numérique, etc., qui répondront à cette attente.

Il est aussi possible, on le sait, de produire une électricité moins chère et moins polluante, à partir de l’énergie qui nous parvient naturellement du soleil. L’Allemagne, l’Italie, produisent déjà la moitié de leur énergie de cette façon et vont accélérer pour être moins dépendants du gaz et du charbon. Avec l’Espagne, ce sont ces pays qui comblent notre déficit de production électrique aux heures de pointe, et de plus en plus souvent dans la journée, pour l’instant du moins.

L’annonce de décisions de construction de nouveaux réacteurs et de nouveaux équipements de gestion des déchets (Cigeo à Bure, piscines à la Hague) sans consultation démocratique relève de la fuite en avant. Elle doit provoquer une réaction massive et radicale : revendiquons l’arrêt du nucléaire sans délai, à commencer par celui des plus vieux réacteurs. C’est la condition pour que les sommes considérables investies dans l’énergie nucléaire soient utilisées plus utilement.

Annie et Pierre Péguin, suite aux Journées d’été du collectif Arrêt du Nucléaire, juillet 2022

Voir le diaporama “Le nucléaire va mal” sur lequel Stephane Lhomme s’est appuyé pour son intervention!