samedi 1er novembre 2014, par Xavier Bouchet
Mort brutale de Rémi Fraisse durant le rassemblement du Testet : la peine des amis des rivières vivantes est immense
Dans la nuit du 26 octobre, Rémi Fraisse, un étudiant de 21 ans, botaniste pacifique, a perdu la vie sur le site du chantier du barrage de Sivens, sur le Tescou dans le Tarn, sans doute tué par une grenade offensive.
Sa mort brutale sème l’effroi dans la communauté des défenseurs des rivières vivantes, des zones humides, de la biodiversité. Rémi était venu, parmi des milliers d’autres, apporter son soutien à ceux qui s’opposent, dans la non-violence, depuis 2011 déjà à la construction d’un barrage au service d’un modèle d’agriculture industrielle de plus en plus décrié, ce sur la plus belle zone humide du département. Ce jeune homme était venu apporter sa fraicheur, son enthousiasme, son énergie militante pour soutenir ceux qui ont compris qu’il est urgent de construire un modèle plus participatif et moderne de gestion de la ressource en eau. Il a trouvé la mort en venant défendre la Vie, la vie des rivières, la biodiversité, une agriculture plus durable. C’est très grave.
UN GRAND BARRAGE DE TROP POUR LE MAÏS IRRIGUÉ QUI ASPHYXIE LES RIVIÈRES
Cette mort est inacceptable. Cette mort, fruit de la spirale de violence enclenchée par l’Etat local, qui a dévasté en quatrième vitesse la zone humide tout en matraquant ses légitimes défenseurs est aussi l’accident de trop dans une région dont la ressource en eau est pillée depuis 40 ans par une clique au service d’intérêts particuliers. Celle-ci fonctionne dans la plus totale opacité, et impunité, au nom d’un intérêt public confisqué et détourné. L’ancienne connivence, établie dans les années 70 entre élus locaux, institutions telles que la CACG, la Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne, les coopératives agricoles telles que Maïssadour, Euralis ou Lurbery avec hélas l’appui de l’Agence de l’Eau Adour Garonne, continue à imposer dans l’irrespect de la biodiversité, du monde paysan, des barrages d’hydraulique agricole par dizaines. Sivens n’est que le dernier avatar d’une série qui prévoit encore la construction de quinze autres grands ouvrages.
Rappelons que, il y a dix ans à peine, l’ouvrage contesté d’Eslourenties a noyé sous 20 millions de m3 d’eau la vallée du Gabas, dans les Pyrénées Atlantiques pour produire toujours plus de maïs industriel : toutes les rivières du sud ouest ont ainsi été mises en coupe réglée pour irriguer environ 600 000 hectares dans les bassins de l’Adour, de la Charente, de la Garonne au profit d’un modèle agricole abusivement subventionné par les citoyens français. Une cinquantaine de grands barrages, en plus de milliers de retenues collinaires ont déjà été crées, pour beaucoup d’entre eux dans les conditions de légalité approximatives, permettant de prélever, et de dégrader chaque année environ 880 millions de m3 d’eau dont la moitié ne retourne pas aux milieux naturels. Ce « vol de l’eau » au profit de quelques uns, financé par la collectivité et les consommateurs d’eau, est indigne d’une grande démocratie européenne. Il faut que cela cesse. Rapidement.
ABANDONNER DÉFINITIVEMENT LE PROJET, PASSER ENFIN À UNE GESTION DURABLE DES RIVIÈRES
A l’occasion de la sortie du rapport de la commission d’enquête reconnaissant les faiblesses criantes du projet dénoncé par le Collectif Testet, il est temps que l’Etat français retrouve ses esprits. Il doit se souvenir de la lettre du Plan Loire Grandeur Nature, lancé en 1994, qui a entériné le fait que les barrages ne sont pas la réponse à tous les problèmes de gestion de l’eau en France. Il doit se rappeler des deux rapports sur l’Eau sortis en 2013 , le Rapport du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable et Rapport Lesage, qui ont proposé une révision en profondeur de la gouvernance des agences de l’eau. Il doit se souvenir que l’engagement de la jeunesse en faveur de la conservation de la nature est une indispensable promesse d’avenir. L’Etat doit donc, sans se cacher derrière son ombre, définitivement stopper le chantier de Sivens, comme ont aussi, été arrêtés d’autres chantiers de grands barrages dans le monde, aux Etats-Unis, en Pologne, en Allemagne, en Autriche, en Espagne. Oui, il faut ouvrir les chemins neufs du dialogue avec une société civile qui ne supporte plus l’arrogance de quelques caciques locaux et d’un lobby agricole outrancier. Oui, il faut enfin écouter la partie du monde paysan qui souhaite une autre agriculture que celle qui saccage. Oui, il faut considérer que la conservation de la biodiversité est une assurance pour notre avenir à tous. Oui, il faut se souvenir de Rémi Fraisse. Aucun compromis n’est possible sur le site d’un ouvrage aujourd’hui ensanglanté.
L’EXEMPLE DE LA « LOIRE VIVANTE », FRUIT D’UNE NON-VIOLENCE PARTAGÉE
Un changement qui nait de l’intelligence collective est possible. Entre 1989 et 1994, SOS Loire Vivante a occupé pacifiquement pendant 5 années le site de Serre de la Fare, en Haute-Loire, pour afficher la détermination de la société civile face à un programme d’aménagement de grands barrages inutiles sur la Loire, « dernier fleuve sauvage d’Europe ». C’était il y a 25 ans. Il y a eu à l’époque de nombreux accrochages avec les forces de l’ordre républicain, mais jamais une violence similaire à celle déployée par l’Etat local contre les citoyens, militants, paysans, scientifiques défendant la riche zone humide de Sivens. L’Etat, à l’époque, a toujours su ménager l’espace de dialogue nécessaire que refusaient les élus locaux bornés et mal informés. En suite de la contestation, le gouvernement a définitivement abandonné les grands barrages prévus et lancé un instrument pilote de gestion durable de la Loire, le Plan Loire Grandeur Nature. Personne ne regrette ce choix, qui a permis de refonder une partie de la politique de l’eau et des fleuves en France, sauf dans le Sud Ouest. Le Plan Loire est un modèle, qui rayonne jusqu’en Chine. Faisons de même pour Sivens et au-delà, et revoyons tout le logiciel archaïque d’aménagement des rivières du Sud Ouest. Mais, pour cela, il faut d’abord que l’Etat local, la préfecture et le Conseil Général stoppent le cycle de violence qu’ils ont amorcé, en refusant depuis 2011 tout échange avec la société civile. Ils doivent annoncer rapidement l’abandon de ce projet d’un autre âge, et commencer à réfléchir, avec toutes et tous, à la réhabilitation du site.
RECONSTRUISONS, ENSEMBLE, LA ZONE HUMIDE DU TESTET !
Contacts LOIRE VIVANTE :
– Roberto Epple, Président ERN/SOS Loire Vivante, 06.08.62.12.67
– Jacqueline Thévenot, Présidente Loire Vivante Nièvre Allier Cher, 03 86 50 12 96
– Joël Herbach, Président Allier Sauvage, 06 08 17 23 58
– Jacques Zeimert, Président Sauvegarde de la Loire Angevine / Estelle Lemoine Maulny 06.01.45.47.01 (coordinatrice Loire aval pour SOS Loire Vivante)