Le parc national de la Vanoise est menacé, il faut agir pour le sauvegarder

Tensions au cœur du parc national de la Vanoise. Des élus viennent de s’opposer à la nouvelle charte de préservation du site, qu’ils jugent trop contraignante. Les écologistes protestent. Yves Paccalet, militant écologiste, explique pourquoi il y a vraiment danger.

La Vanoise, sa centaine de sommets de plus de 3.000 mètres, ses glaciers sublimes, sa flore de l’extrême, sa faune admirable ! Le “grand jardin des Français”, selon l’artiste Samivel. Mais la Vanoise est à nouveau menacée…

Illustration du Parc de la Vanoise, le 7 février 2012 (TROSSAT/SIPA).

Illustration du Parc de la Vanoise, le 7 février 2012 (TROSSAT/SIPA).

Le premier parc national français a été créé en 1963. Il fête en 2013 son cinquantenaire. Et ce gâteau d’anniversaire risque d’avoir mauvais goût. La cupidité des bétonneurs et la courte vue des conseillers municipaux des communes alentour menacent de saper les principes mêmes de sa protection.

La charte de protection contestée

La loi de 2006, dite “Giran” (du nom du député qui l’a portée), exige de tous les parcs nationaux qu’ils rédigent une charte où soient fixés les objectifs et les règles de l’aire protégée, composée désormais d’un “cœur de parc” (l’ancienne “zone centrale”) et d’une “zone d’adhésion” (l’ex “zone périphérique”). À cette charte doit être annexée une carte des vocations des territoires dans la zone d’adhésion.

Le texte et la carte de la charte de la Vanoise ont été arrêtés voici plusieurs mois par le conseil d’administration. Ils sont soumis à l’enquête publique. Nombre de structures (la Région Rhône-Alpes, le Conseil scientifique du parc, la FRAPNA, etc.) ont répondu : “avis favorable”.

Le Conseil général de la Savoie, présidé par Hervé Gaymard, a pondu un texte ambigu et inquiétant. Tout a dérapé avec les conseils municipaux. Sur les vingt-neuf communes de Tarentaise et de Maurienne appelées à se prononcer, vingt-six ont rendu un “avis défavorable” (“non”), et seulement trois un “avis réservé” (“abstention”).

Les commissaires chargés de mener l’enquête publique ont organisé trois réunions ouvertes à la population – la première à Chambéry (discussions polies), la deuxième à Bourg-Saint-Maurice (en Tarentaise, échanges rudes mais respectueux), la troisième à Lanslebourg (en Maurienne). Mercredi dernier, le 16 janvier, j’étais à Lanslebourg. Je n’ai pas eu peur, conformément à la demande du pape Jean-Paul II. Mais ce fut chaud…

Un climat très tendu

L’assistance était d’environ 200 personnes selon la police et les organisateurs. Comme toujours, je me suis débrouillé pour parler en premier, dès l’ouverture de la discussion. J’ai exposé les raisons pour lesquelles il faut adopter cette charte, née d’un difficile compromis, si incomplète et insatisfaisante soit-elle.

À Bourg-Saint-Maurice, la moitié de la salle avait applaudi mon discours – l’autre moitié se réservant d’encourager bruyamment les envoyés des conseils municipaux hostiles au texte. À Lanslebourg, j’ai (en outre) solennellement remis aux commissaires enquêteurs une sortie papier de la liste des plus de 17.000 signataires de l'”Appel pour la Vanoise” que j’ai lancé sur Internet.*

À peine je m’étais avancé vers la tribune, que les huées s’élevèrent : “Vendu !”, “Menteur !”, “Tu devrais avoir honte !”, “Jetez-lui des chaises !”, et ainsi de suite. Je ne crains pas ce genre d’accueil, où une claque organisée s’en donne à plein gosier. J’ai repris le micro pour expliquer les désastres du bétonnage, la nécessité pour les Savoyards d’aimer leur parc national, et l’importance internationale de cet espace préservé.

Les avanies, les quolibets, les violences verbales ont recommencé avec quelques décibels supplémentaires. Je me suis fait traiter de “flemmard qui prenait des vacances sur le bateau de Cousteau pendant que les vrais villageois étaient au travail” ; de “Parigot” et d’”étranger” (la moindre des choses) ; mais aussi de “Tarin” (habitant de la Tarentaise), ce qui, pour un Mauriennais, constitue l’injure suprême.

Au total, une bien belle soirée, enrichissante et sympathique, dans une ambiance de convivialité montagnarde telle qu’on en rêve autour d’une fondue, avec des histoires de dahu…

Un dossier instrumentalisé

Après la remise du rapport des commissaires enquêteurs (dans deux à trois mois), le Conseil d’administration (où je siège comme représentant de la Région Rhône-Alpes) amendera probablement un peu le texte et sa carte. Puis il devra voter l’ensemble, ce qui n’est pas gagné.

Si tel est le cas, la charte fera l’objet d’un arrêté du ministère de l’Écologie, qui a déjà signé ces textes pour les parcs nationaux des Écrins, du Mercantour et des Hautes-Pyrénées (pour les parcs créés après 2006 – Guyane, Réunion, Calanques –, tout est bouclé). Dans la foulée, il faudra recueillir l’avis du Conseil national pour la Protection de la Nature et, in fine, du Conseil d’État.

Avant que les vingt-neuf communes de la zone optimale d’adhésion ne soient appelées à se prononcer définitivement (adhérer ou non ? en vouloir ou pas ?), les conseils municipaux auront quatre mois pour trancher.

La route est longue et le sentier escarpé, dirait monsieur Raffarin ! Y a-t-il une chance pour que les communes changent d’avis sur le texte final ? Difficile à croire. Car tout cela nous conduira à l’automne ou à l’hiver de 2013, quelques semaines avant les élections municipales. Les candidats locaux et leurs équipes se feront un plaisir d’instrumentaliser le dossier “Vanoise”.

Vous avez aimé les calendes grecques, vous adorerez les calendes savoyardes ! Les écolos bornés, vendus, “Parigots”, “Tarins” et pro-loup dans mon genre pourront toujours, sur un air de Renaud, chanter “Laisse béton !” face aux derniers glaciers de la Vanoise…

* nous avons envoyé de notre côté aux commissaires enquêteurs les 6320 participants à la cyber @ction toujours en ligne

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