L’accord UE/Mercosur vu de Rio de Janeiro lors du FSM de Salvador de Bahia – 15 mars 2018

Le CR a paru dans Mediapart le 22 mars – Blog Jacqueline Balvet (Attac). Extraits : 

L’atelier s’est tenu le lendemain matin de l’assassinat à Rio de Janeiro de Marielle Franco, élue à la Ville de Rio et militante emblématique de défense des droits des femmes noires : de ce fait, l’atelier a été considérablement raccourci avec moins d’intervenants que prévu, afin de permettre à toutes et tous de participer à la marche de protestation en fin de matinée à l’entrée de l’université.

Les premiers intervenants ont fait un point général sur les accords de libre-échange insistant sur le secret des négociations, l’impossibilité pour les députés d’accéder facilement aux textes, sur le retrait de Trump du TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) et sur les conséquences dramatiques de l’ALENA (accord de libre-échange nord-américain) – que Trump veut renégocier – sur les populations mexicaines.

Plus particulièrement, Luciana Ghiotto (Attac Argentine) a évoqué la campagne contre l’ALCA (Zone de Libre-échange des Amériques) – démarrage des négociations en 1994 – campagne qui a mis en déroute ce traité avec le départ en 2005 de plusieurs pays : Vénézuela, Argentine, Brésil, dont certains étaient en train de construire l’ALBA, Alliance Bolivarienne des Amériques (1). La campagne contre l’ALCA a mobilisé énormément, la mobilisation contre l’accord UE/Mercosur est autrement plus difficile qu’elle l’avait été contre l’ALCA : les mouvements sociaux sont aujourd’hui beaucoup plus divisés et les syndicats restent trop silencieux.

A propos de l’accord UE/Mercosur, on peut rajouter quelques précisions :

> Cet accord va avoir des conséquences dramatiques pour les populations des pays d’Amérique Latine, en particulier les communautés indigènes et les paysans. Un appel, lancé par l’Alliance pour la biodiversité liste douze raisons de dire non à cet accord (2) : négociations secrètes, profit aux grandes entreprises du nord et aux élites agro-exportatrices du sud, problèmes multiples liés à l’agro-industrie, semences criminalisées et privatisées, propriété intellectuelle, services offerts aux transnationales de l’UE, perte de la souveraineté alimentaire et des droits des peuples autochtones, marchés publics et non promotion des PME, mesures sanitaires et phytosanitaires au désavantage des pays du sud, entreprises d’état soumises à la concurrence, libre circulation des données informatiques.

> Ces conséquences pèseront également sur les populations des pays de l’UE. Cet accord est particulièrement un désastre pour le climat : l’élevage bovin au Brésil est responsable à lui tout seul de 80% de la destruction de la forêt amazonienne, à cela s’y rajoute l’agro-industrie de la canne à sucre pour fabriquer de l’éthanol : or, le quota de 600 000 tonnes proposé par l’UE, c’est deux fois ce que l’Europe importe pour ses propres besoins de bioéthanol.

Les exportations de viande et volailles prévues dans l’accord sont aussi très inquiétantes : les mesures sanitaires et phytosanitaires ignorent un principe de précaution déjà largement minimisé, laissant la porte ouverte aux viandes et volailles nourries aux OGM et piquées aux hormones : seulement 2% des bovins, au Brésil, sont enregistrés dans le système de traçabilité (3). Le scandale de la viande avariée (4) de mars 2017 n’est pas là pour rassurer.

De plus, les 100 000 tonnes de boeuf et 90 000 tonnes de volailles prévues pour l’importation menacent l’emploi de 25 à 30 000 éleveurs français qui risquent de disparaitre, les petits paysans étant les plus vulnérables. Le chapitre sur la propriété intellectuelle accentue les difficultés futures ds petits paysans qui ne pourront plus utiliser leurs semences traditionnelles pour leurs cultures.

En ce qui concerne l’accord avec le Mercosur, et par rapport au début des négociations il y a 18 ans, de nouvelles règles qui favorisent encore plus les transnationales ont été incluses dans toute négociation : la clause cliquet ne permettant pas de revenir en arrière et les règles de concurrence vont pénaliser les pays d’Amérique Latine dans tous les chapitres de l’accord : services, accès aux marchés publics, propriété intellectuelle, industrie, etc …..

L’Union Européenne a produit des rapports mensongers, réalisés par des experts proches des transnationales, qui vantent les mérites et les bénéfices de tels accords : plus de croissance, plus d’emplois, alors qu’en fait cet accord apportera une destruction de la biodiversité ainsi que des populations indigènes et paysannes.

Notes :

(1) bref historique : En même temps que l’Union Européenne négociait avec le Mercosur, elle entamait des négociations avec le Mexique, le Chili, la Colombie et le Pérou. Seuls ces deux derniers ont finalisé un accord avec l’UE en 2013 et l’Equateur a fait volte face après son retrait de l’ALCA et les a rejoint en 2016. Pendant la même période, commençaient les négociations de l’accord Union Européenne/Mercosur, marché commun du sud avec Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Vénézuela, Bolivie. Suite à des désaccords internes et la volonté des pays d’y intégrer les principes de l’ALBA (coopération, complémentarité, solidarité), ces négociations ont eu beaucoup de mal à avancer et se sont arrêtées en 2004 puis en 2010.(2) http://bilaterals.org/?douze-raisons-pour-lesquelles-nous&lang=en

(3) lettre d’information n°12 Interveb – janvier 2018

(4) https://www.lesechos.fr/22/03/2017/LesEchos/22409-067-ECH_le-scandale-de-la-viande-avariee-plonge-le-bresil-dans-la-crise.htm

Bonne lecture et à bientôt pour des mobilisations plus que jamais nécessaires
Henri Guillou

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