Face à la crise, plus qu’un traité, il faut lancer les Nations unies d’Europe

Face à la crise, plus qu’un traité, il faut lancer les Nations unies d’Europe

Imaginez que le Texas soit en cessation de paiement et se retrouve pris à la gorge par des taux d’intérêts insupportables. Imaginez que la solidarité nationale des États-Unis pour le Texas, l’un de ses États, soit suspendue à la décision d’une cour de justice de l’Orégon. Imaginez qu’après une succession de réunions du gouvernement fédéral américain, un autre Etat ait été quasiment laissé à l’abandon, soumis à des mesures de rigueur telles que tout redressement économique lui est impossible.

Imaginez la banque centrale américaine dans l’impossibilité de venir aider les États en difficultés. Imaginez que Barack Obama, inspiré par un ultralibéralisme poussé à l’extrême, impose aux grands industriels de son pays des règles de mise en concurrence entre eux si féroces que les dits industriels passent plus de temps à se battre entre eux qu’à se battre contre la concurrence des pays du sud-est asiatique. Imaginez que ces règles de libre concurrence permettent aux dits concurrents du sud est asiatique d’inonder le marché américain de leurs productions mais que dans les pays du sud-est asiatique les industriels américains aient, eux, les pires difficultés du monde à vendre leurs produits.

Une Europe au fonctionnement incompréhensible

Tout cela ne se passe évidemment pas ainsi aux États-Unis. Cela ne se passe d’ailleurs dans aucun autre pays du monde. Chaque État, y compris les États fédéraux, ont un minimum de digues de protection économique tant pour leurs finances publiques que pour leur économie domestique. Tous les États ont ces protections… sauf ce qu’il faut considérer comme un État de fait, mais qui est devenu un corps sans tête : l’Europe. L’absurde et la paralysie est telle que personne, dans le monde, ne comprend plus le fonctionnement de l’Europe… les peuples qui cherchent en vain qui est à la barre, les marchés qui perdent confiance dans ce continent, aux potentialités pourtant si importantes, les gouvernants qui sont supplantés et humiliés, par le tourbillon des évènements.

Notre Europe s’est terriblement grippée et la crise qu’elle traverse est le symptôme d’une construction en déshérence. Rien ne se résoudra plus à l’échelle des États pris séparément. Même les perspectives de croissance de l’Allemagne sont aujourd’hui revues à la baisse par les agences de notation. Il n’y aura pas d’exception. Nous sommes allés trop loin pour revenir en arrière. Ou alors au prix d’une déflagration dont nul ne peut mesurer les effets.

L’incendie ravage notre continent depuis trop longtemps. Dans certains pays, les peurs des populations face à cette Europe qui ne protège plus, perçues même comme la cause de tous les maux des États membres, transforment la plupart des acteurs publics les plus europhiles en euro-taisants. Même la démocratie recule dans des nations que l’Union devait protéger des démons populistes et autoritaires.

Un sursaut urgent

Nous appelons à un sursaut urgent. Il n’est plus temps de tergiverser. La dispute de 2005 est derrière nous. Ouvrons les yeux : le seul choix qui s’impose est de parachever la construction européenne, c’est-à-dire pour chaque État de retrouver au niveau européen sa souveraineté perdue. Cette crise que nous traversons et qui nous enfonce tous les jours un peu plus, États après États, peut connaître un terme salutaire : le sursaut vers plus d’Europe, une fédération ou une union,– ne soyons pas prisonniers des mots – d’États qui transfèrent à un niveau supérieur des compétences en matière économique, budgétaire, fiscale.

Cette Europe, dont la puissance économique serait indiscutable alors, devra faire le choix d’un modèle social et environnemental assez fort pour résister aux vents tourbillonnants de la compétition mondiale, assez ambitieux pour infléchir la direction de la mondialisation vers une croissance responsable au service des besoins humains, assez rayonnant pour en faire le foyer de la paix et de la démocratie dans le monde. Sinon à quoi bon?

S’il faut commencer par les nations de l’euro-zone, ce qui semblerait logique, commençons par elle et dotons là d’une légitimité démocratique très forte à son sommet qui respecte la singularité historique de chacune des nations composantes, à savoir la désignation démocratique du futur exécutif européen, une politique fiscale et budgétaire progressivement harmonisée, une dépense publique rationalisée validée par des économies d’échelle à tous les niveaux, la proscription de tout dumping sur les salaires et le choix stratégiques de l’emploi, un système de protection social exigeant, un instrument bancaire commun, bref, les Nations-Unies d’Europe.

Le traité budgétaire n’est ni bon ni mauvais. Il est dicté par les circonstances. Il est le fruit amer d’une croyance assez naïve tant dans la discipline des États que dans l’autorégulation des marchés et d’abord de la séance de sur-place politique postérieure à la mise en service de la monnaie unique. Ce traité n’est concevable qu’à la condition d’être rapidement dépassé par une initiative de grande ampleur allant dans le sens d’une union politique, à l’initiative des gouvernements, des parlements nationaux, du Parlement européen, et de tous les acteurs de la société européenne. Il est encore temps, mais le temps n’est pas illimité.

Signataires :

– Jean-Louis Bianco, ancien ministre, président CG des Alpes de Haute-Provence (PS)
– Sébastien Denaja, député de l’Hérault (PS)
– Jean-Pierre Mignard, avocat (membre du conseil national du PS)
– Robert Rochefort, député européen (MoDem)
– Dominique Voynet, maire de Montreuil (EELV)
– Yann Wehrling, porte-parole du MoDem

Contact : pourdesnationsuniesdeurope@gmail.com

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