La clé du changement

Un projet politique qui s’appuierait sur les trois fondamentaux que sont la terre, le travail et la monnaie pourrait provoquer un changement de paradigme sociétal.
Avant l’avènement du capitalisme et de l’économie de marché, la terre, le travail et la monnaie n’étaient pas des marchandises. La terre permettait de s’alimenter. Le travail permettait de satisfaire aux besoins de la nécessité. La monnaie fonctionnait comme moyen d’échange . L’idée de gain n’existait pas.
Avec la venue du capitalisme dès le début du XIXième siècle, qui pose les jalons de l’économie de marché dont les lois sont la clé du système institutionnel de l’époque, la terre, le travail et la monnaie devinrent des marchandises. A partir de ce moment là l’idée du gain fit son apparition et tout le système régulateur des siècles et des millénaires passés des sociétés traditionnelles s’est effondré. Il suffisait au pourfendeur du système capitaliste dominant d’affamer les peuples pour les forcer à travailler. La monnaie perdit alors de sa valeur d’échange dans un but de commerce profitable au détriment de l’humain.
Si un homme politique, aujourd’hui, avait l’audace de revenir aux rôles premiers que sont la terre, le travail et la monnaie, il change le monde.
Pour créer du changement il faut innover. L’innovation accompagne la modernité et la modernité a besoin de l’innovation pour affirmer l’idéologie du progrès.
L’innovation suit un processus de diffusion qui s’étale dans le temps. La variation est aléatoire et dépend de l’innovation en tant que tel. Toutes les innovations finissent par être acceptées et intégrées par la majorité des gens. Lorsqu’elles sont acceptées et intégrées, elles se diffusent comme une épidémie. Une innovation peut revêtir autant une dimension technique et/ou scientifique, qu’une dimension idéologique et/ou politique. Une innovation participe du changement.
D’un point de vue sociétal et politique, il y deux façons de concevoir le changement. La réforme (lois) qui suit un processus de mise en œuvre rapide. L’innovation qui suit un processus de mise en œuvre lent. Si le changement est rapide – hormis les quelques élites et technocrates qui en sont les maitres d’œuvres – les personnes qui en sont la cible souffrent . La souffrance dans un tel cas de figure est inévitable. Si le changement est lent les personnes s’adaptent progressivement. Si le changement est court on force l’adaptation. Si le changement est long les personnes l’acceptent progressivement. Le passage se fait sans violence.
Le changement innovant doit s’appuyer sur les trois axes stratégiques que sont la terre, le travail et la monnaie.
La terre doit retrouver son rôle premier d’alimenter les peuples. La relocalisation des productions alimentaires paysannes et traditionnelles est un point crucial. Les firmes et les productions agro-alimentaires qui alimentent les masses selon leurs bons vouloirs et qui affament le monde doivent disparaître au profit des productions locales partout dans le monde pour que les peuples puissent retrouver leur autonomie alimentaire. L’innovation doit, ici, suivre un processus de production basé sur le respect de la biodiversité alimentaire et s’appuyer sur l’alimentation biologique sans intrants destructeurs de vie et des écosystèmes. Elle doit aussi chercher à puiser dans la terre le strict nécessaire pour assurer son renouvellement selon les lois de la nature.
Le travail doit retrouver sa vraie valeur. Il ne doit pas être une fin en soi, mais un moyen pour assurer une « vie bonne ». Sa production doit être partagée afin d’équilibrer sa consommation, et inversement, pour le bien être de tous dans le respect des individus et de son environnement. L’innovation, ici, doit suivre un processus d’un nouveau rapport au temps. Du temps libéré qui doit permettre la pratique de loisirs , de jouir des plaisirs de la famille ou encore de participer à la vie citoyenne. Le temps ainsi conçu et perçu favoriserait la « convivialité ». Il permettrait aux individus de se réapproprier le lien social et, en tant que citoyens du monde, d’agir au niveau local pour des répercussions globales . Le don de temps y tiendrait une place fondamentale.
La monnaie doit redevenir un véritable moyen d’échange commercial. Les instances de régulation de la monnaie marchandise, que sont les banques centrales, ne jouent plus leurs rôles d’institutions régulatrices du marché. Elles sont au service du capitalisme « destructeur » qui n’a pas de limites ; aucunes ; il œuvre dans un monde fini. Le capitalisme financier en est la représentation ultime dont le gain et le profit sont l’unique finalité. La monnaie « outil » doit reprendre du sens et participer à la promotion de la vie collective. L’innovation, ici, comme avec la terre, doit suivre un processus de relocalisation. Dans une telle perspective, les monnaies locales joueraient un rôle fondamental. Les banques alternatives en seraient les garantes. Les monnaies locales deviendraient la principale source d’échange tout en restant indexées sur les monnaies « monde » pour instaurer et formaliser les échanges entre les peuples. Le commerce deviendrait – ou redeviendrait – un moyen et non plus une fin.
Pour que les innovations productrices de changement puissent s’opérationnaliser elles doivent être éduquées. L’éducation est l’outil, par excellence, qui doit en accompagner la mise en œuvre. L’éducation concerne les institutions que sont l’école, l’université, la famille, les associations populaires et la société civile, les médias de masse, etc. Dans chacune des ces institutions il faut réapprendre la « terre » et dégager du « temps » pour se réapproprier le sens des choses et donner du sens à sa vie. On doit aussi apprendre à donner du sens à la monnaie comme moyen d’échange réciproque pour les besoins de la nécessité et de la convivialité. L’exemple de la kula des sociétés archaïques mélanésiennes est, à ce titre, riche d’enseignement. Si cet outil est mis à disposition et au service du peuple et de la collectivité, et non au service du capitalisme « destructeur », vous changez le monde en à peine une génération.
Pour conclure, si le politique ne se réapproprie pas les fondamentaux que sont la terre, le travail et la monnaie en régulant l’économie de marché de façon radicale – voire en la supprimant tout court –, la destruction est inévitable et sera totale. Tel est le sens de l’histoire et de sa reproduction. « Il n’y a pas d’alternatives » ! Il n y aura aucun salut pour qui que ce soit. Y compris pour les 1% les plus riches de la planète. Mais peut-être ne se sentent-ils pas concernés !
P. F.

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