Les lois sur les semences ne peuvent pas être confiées aux vendeurs de semences

Depuis la dernière guerre mondiale, les missions de service public de contrôle de l’application des lois sur les semences sont confiées en France à un groupement d’intérêts privés dirigé par les plus importants vendeurs de semences du pays. Au titre de cette mission, le GNIS revendique un statut d’expert officiel du droit des semences. Ce conflit d’intérêt institutionnalisé devient totalement inacceptable quand il abuse de cette position pour diffuser des informations erronées et réécrire les lois à sa convenance.
Dans un communiqué de presse du 1 octobre répondant à la campagne « Aux Graines Citoyens » de la Fondation Léa Nature, le GNIS affirme en effet successivement :

  • que les brevets sur les semences seraient interdits en Europe alors même que l’Office Européen des brevets en a déjà accordé 2 400 et que 7 500 nouvelles demandes sont en cours d’examen1,
  • que le droit de semer « ce que l’on veut » n’aurait jamais été remis en cause alors qu‘il est impossible de se procurer ce qu’on veut semer parce que le GNIS organise lui-même la chasse à la commercialisation de l’immense majorité de la biodiversité des semences qui n’est pas et ne peut pas être inscrite sur son catalogue,
  • que le droit de ressemer serait garanti alors qu’il est interdit de ressemer sa propre récolte issue de la grande majorité des semences commerciales, et que pour quelques espèces dérogatoires, on ne peut le faire qu’en payant des royalties à l’industrie des semences,
  • que les paysans ont le droit d’échanger leurs semences alors que c’est le GNIS lui-même qui veut leur interdire d’utiliser les semences qu’ils échangent pour leurs cultures agricoles,
  • que le remplacement de variétés obsolètes retirées du catalogue par des nouvelles variétés serait la preuve d’une augmentation de la biodiversité alors même que, selon la FAO, nous avons perdu 75 % de la biodiversité cultivée dans les champs depuis que la réglementation semences et le catalogue existent,

Dans un autre communiqué du 25 septembre, le GNIS se félicite du récent délibéré de la Cour d’appel de Nancy2 qui rejoint sa propre interprétation abusive d’une directive européenne sur la réglementation des semences. Il voudrait ainsi imposer aux semences destinées au jardinage amateur les mêmes objectifs de productivité assignés par le catalogue aux semences destinées à l’agriculture commerciale, alors même que le législateur européen n’a jamais revendiqué une telle aberration.

Une telle succession d’affirmations erronées3 relève de la propagande destinée à défendre des intérêts privés et non de l’information publique officielle. Pour le Réseau Semences Paysannes, un tel conflit d’intérêt n’est plus acceptable. Il est urgent que les misions de service public d’information et de contrôle de la réglementation semencière soient confiées à un établissement public indépendant de tout groupe de pression économique et plus particulièrement des entreprises qu’il est chargé de contrôler. 

Contacts presse  

  • Philippe Catinaud (co-président du RSP) – 06 37 80 97 66.
  • Guy Kastler (délégué général du RSP) – 06 03 94 57 21
1 Exemple brevet européen détenu par Monsanto sur des tomates issues de sélection conventionnelle : http://semencespaysannes.org/oppositio_contre_brevet_europeen_tomate_fraud_115-actu_210.php 

Réponses détaillées du RSP aux information erronées diffusées par le GNIS

7 oct 2014

Le Réseau Semences Paysannes répond aux tentatives de désinformation du GNIS dans ses communiqués du 01 octobre 2014 “La vérité sur les propos de la Campagne « aux graines citoyens ! » et du 25 septembre “Vente de semences : l’arrêt de la Cour d’Appel de Nancy clarifie la situation ! “

Communiqué du GNIS du 01 octobre 2014 et réponse du RSP dans le texte

La vérité sur les propos de la Campagne « aux graines citoyens ! »

Le groupe industriel Léa Nature a financé ces derniers jours une grande campagne de communication presse « aux graines citoyens ! » à travers sa fondation. Cette campagne d’image comporte des approximations et des sous-entendus qui méritent quelques explications.

  • « le règne des semences brevetées profite à quelques-uns»

Ce règne n’existe pas en Europe ! En réalité, la brevetabilité des semences est interdite en France et sur l’ensemble du territoire européen. Les 36 000 variétés commercialisées en Europe ne sont pas brevetées. Ces variétés sont des ressources génétiques totalement libres d’accès pour l’ensemble des personnes désirant créer de nouvelles variétés. Le droit de propriété intellectuelle utilisé par les sélectionneurs sur leurs nouvelles variétés repose sur le certificat d’obtention végétale (COV) qui autorise le libre usage de la variété protégée pour créer de nouvelles variétés, contrairement au brevet. Cette spécificité, conçue pour du matériel vivant, assure la continuité de l’amélioration génétique des espèces végétales, tout en empêchant l’appropriation du vivant et en limitant les éventuelles situations de monopole.

Réponse du RSP : Il est certes interdit de breveter des variétés en Europe, mais il est par contre autorisé depuis 1998 de breveter les caractères génétiques, moléculaires, biochimiques… des plantes qui constituent ces variétés, ainsi que le lien entre ces caractères et des caractères agronomiques (diffusion de substances insecticides, adaptation aux récoltes mécaniques…), environnementaux (tolérance à un herbicide,…), gustatifs… des mêmes plantes C’est ce qu’on appelle souvent en raccourci « breveter un gène et sa fonction ». Les droits de propriété découlant de ces brevets s’étendant à toute plante contenant et/ou exprimant le caractère breveté, aux semences, aux récoltes et aux produits des récoltes. Environ 2400 brevets sur les plantes ont été accordés en Europe depuis les années 80. Plus de 7500 demandes de brevets sur les plantes sont en cours d’examen à l’Office Européen des Brevets (OEB). La plupart de ces nouveaux brevets ne concernent pas des OGM transgéniques étiquetés. Plus de 120 brevets accordés par l’OEB concernent des caractères qui existaient déjà naturellement dans les plantes bien avant l’existence du premier brevet et il y a encore un millier de nouvelles demandes de brevets de ce type en attente.   

  • « défendons notre droit fondamental de semer »

Le droit fondamental de semer n’a jamais été remis en cause ! On sème ce que l’on veut mais on ne vend pas ce que l’on veut. En effet, les agriculteurs ont le droit de semer les semences ou les graines qu’ils souhaitent mais les vendeurs de semences doivent respecter un cadre réglementaire afin d’assurer à l’acheteur que la semence qu’il achète possède bien les caractéristiques souhaitées : taux de germination, identité variétale …

Réponse du RSP : Comment semer ce qu’on veut si on ne peut pas trouver ce qu’on veut ? Le cadre réglementaire défendu par le GNIS rend inaccessibles les centaines de milliers de variété du domaine public sélectionnées par des centaines de générations de paysans. Les artisans semenciers qui, comme les « croqueurs de carottes », tentent de les diffuser se heurtent à des tracasserie administratives permanentes venant… des contrôleurs du GNIS. On peut certes trouver quelques dizaines de graines de ces variétés dans les frigos des banques de gènes, à condition de connaître le conservateur ou de passer par un chercheur, ce qui n’est pas à la portée de tout paysan ou jardinier. Et vu le peu d’informations disponibles, on ne sait jamais à l’avance à quel type de plante correspondent les graines qu’on reçoit. Quand on les obtient, il faut d’abord les régénérer, le tester et, si elles sont intéressantes, les sélectionner puis les multiplier plusieurs années avant de pouvoir obtenir une récolte agricole. De plus, il faut signer un contrat (Accord de Transfert de Matériel) interdisant de s’en servir pour autre chose que la sélection ou la recherche, ce qui veut dire qu’on n’a pas le droit de les cultiver pour en vendre la récolte.

  • « défendons notre droit fondamental de ressemer »

Ce droit de ressemer n’a jamais été remis en cause pour les variétés du domaine public comme par exemple les variétés anciennes. Pour les variétés nouvelles qui viennent d’être créées, il a fallu équilibrer le droit de semer et de ressemer avec le droit des créateurs de nouvelles variétés à protéger leur création (l’article 27 de la Déclaration universelle des droits de l’homme inclut ce droit à la propriété intellectuelle). Ajoutons que la création de nouvelles variétés végétales représente 10 années de travail et qu’il serait dramatique de diminuer les investissements en création variétale alors que les défis à l’agriculture sont considérables : diminution des intrants chimiques, changements climatiques, etc…

Réponse du RSP : Les variétés du domaine public ne sont pas disponibles en pratique (voir réponse précédente). La plupart des variétés enregistrées au catalogue interdisent le droit de ressemer, soit par un droit de propriété industrielle (COV ou brevet), soit par la technique des hybrides F1, soit les deux. Le COV interdit aux agriculteurs de ressemer une partie de leur récolte pour la majorité des espèces cultivées (tous les légumes, le maïs, le soja, les fruitiers…) et n’accorde une dérogations à cette interdiction que pour une trentaine d’espèces de cultures agricoles et à la seule condition de payer des royalties à l’obtenteur. Le brevet impose les mêmes conditions quand il est lié à une variété protégée par un COV. Mais en cas de contamination de la récolte par un gène breveté venant d’ailleurs (par le vent, les insectes, les oiseaux, les outils agricoles…), toutes réutilisation comme semences est interdite. Quand aux hybrides F1, il s’agit de croisements non stabilisés qui donnent des plantes sans aucune valeur agricole lorsqu’on ressème le fruit de leur récolte. 

  • « défendons notre droit fondamental d’échanger nos graines paysannes sans être considérés comme hors–la-loi »

La notion de graines paysannes permet toutes les confusions : S’il s’agit de graines échangées entre jardiniers amateurs alors ces échanges sont libres. S’il s’agit de variétés créées par les paysans ou de ressources génétiques, ces échanges sont également libres.

Réponse du RSP : selon le GNIS, ces échanges ne sont libres que pour la recherche et la sélection et interdits pour la culture agricole. Ce qui veut dire que les paysans ne pourraient cultiver ces semences échangées que dans de petites parcelles d’expérimentation dont ils n’ont pas le droit de commercialiser la récolte. Or, les sélections paysannes ne se font pas au laboratoire ou en station expérimentale, mais dans leurs conditions d’utilisations réelles, c-à-d dans les champs de culture agricole. C’est ce qui fait leur qualité particulière d’adaptation fine à chaque condition de culture : c’est ce que veut interdire le GNIS parce que les sélections de ses adhérents sont incapables d’obtenir les mêmes résultats.

Si en réalité, sous couvert d’échanges, il s’agit de commerce déguisé, par exemple l’échange de 1000 quintaux de semences de blé, alors cette commercialisation doit respecter la règlementation publique européenne qui a été récemment réaffirmée par la Cour d’Appel de Nancy, à savoir l’inscription obligatoire sur une des listes du Catalogue. Il n’y a pas de droit fondamental à vendre des semences de mauvaise qualité, ne germant pas ou porteuses de maladies.

Réponse du RSP : Les contrôleurs du GNIS sont déjà venus menacer des agriculteurs échangeant non pas 1000 quintaux de semences de blé, mais deux ou trois quintaux !

Enfin, s’il s’agit en réalité de semences de ferme d’une variété non pas créée par les paysans qui les échangent mais par un autre sélectionneur, alors le droit de la propriété intellectuelle doit être respecté.

Réponse du RSP : La sélection et la production des semences fa toujours fait partie du métier d’agriculteur. L’apparition de la profession de semenciers spécialisé est historiquement très récente. De nombreux agriculteurs font toujours ce travail à leur échelle. Ils bénéficient comme les semenciers de l’exception du sélectionneur qui permet d’utiliser une variété protégée pour en sélectionner une autre. Pourquoi ne pourraient-ils pas échanger le résultat de leurs propres sélections ? 

  • « cultivons notre souveraineté alimentaire, dans nos champs, jardins et potagers »

Rien ne s’y oppose ! Au contraire l’Etat et les professionnels de la filière des semences font tout pour qu’il y ait plus de diversité dans les semences vendues aux jardiniers. Pour les légumes cultivés par les amateurs dans leurs jardins, la diversification des variétés a permis de faciliter le jardinage, d’échelonner les semis et les récoltes, de varier les goûts et les usages culinaires, ainsi que les formes et les couleurs au sein du potager. Ainsi, rien que pour l’espèce tomate, 52 variétés de tomates étaient vendues en France en 1980, 466 le sont en 2014. Pour les mêmes raisons, l’interprofession semencière (Gnis) a toujours encouragé l’Etat à ouvrir des listes de variétés anciennes, de variétés menacées d’érosion génétique ou de variétés destinées à des marchés locaux et prend même en charge les frais exigés par l’Etat pour l’inscription de ces variétés sur les listes officielles.

Réponse du RSP : 52 variétés de tomates étaient inscrites au catalogue en 1980 et 466 aujourd’hui, mais plusieurs milliers sont cultivées et conservées par des jardiniers sans que leurs semences ne puissent être commercialisées légalement. Les nouvelles listes du catalogue ne sont pas utilisées parce qu’elles imposent les mêmes contraintes qui interdisent la plus grande part de la biodiversité cultivée. Ce n’est pas parce qu’elle n’apparaît pas sur le catalogue que cette immense diversité n’existe pas. Il serait temps que le GNIS s’en rende compte.

De plus, le nombre de variétés ne peut pas rester le seul critère de la biodiversité cultivée. En effet, les variétés actuelles sont fortement standardisées pour répondre aux critères du catalogues (homogénéité et stabilité)  : elles présentent à la fois peu de diversité entre elles et au sein même d’une même variété la diversité des différentes plantes s’est fortement appauvrie en comparaison aux variétés traditionnelles ou aux variétés paysannes dites « populations »1.

  • « soyons acteurs de notre santé et de la biodiversité »

La filière française des semences est un acteur majeur de la sécurité sanitaire et de la biodiversité à double titre : Acteur de notre santé : certaines maladies ont quasiment disparu grâce au travail permanent réalisé par les sélectionneurs qui créent des variétés résistantes, comme par exemple, pour les variétés de haricot qui sont pour la quasi-totalité résistantes à l’anthracnose (maladie provoquée par un champignon) ou encore la cladosporiose du concombre.

Réponse du RSP : De nombreuses maladies sont directement liées aux sélections modernes qui obligent les agriculteurs à employer des doses exponentielles d’engrais et de pesticides chimiques toxiques, qui appauvrissent les plantes en fibres et en micronutriments essentiels comme les antioxydants et les vitamines, ou encore qui augmentent la présence de substances mal tolérées comme les glutens de plus en plus indigestes des blés « à haut rendement ».

Acteur de la biodiversité : par la création chaque année de plus de 600 nouvelles variétés et par la conservation en France de plus de 30 000 plantes par 27 réseaux (coopération entre les sélectionneurs privés et publics et les associations d’amateurs), et la mise à disposition de la communauté nationale et internationale de certaines de ces collections.

Réponse du RSP : Selon la FAO, nous avons perdu 75 % de la biodiversité cultivée depuis que le catalogue défendu par le GNIS existe.

Communiqué du GNIS du 25 septembre 2014 et réponses du RSP

Vente de semences : l’arrêt de la Cour d’Appel de Nancy clarifie la situation !

L’arrêt, du 9 septembre 2014, rendu par la Cour d’Appel de Nancy, concernant l’affaire qui opposait la société Graines Baumaux à l’association Kokopelli, réaffirme à cette occasion que toute activité commerciale liée aux semences doit respecter le cadre réglementaire de la commercialisation.

En effet, la Cour confirme la lecture qui doit être faite du système réglementaire de commercialisation des semences qui repose sur l’inscription obligatoire des variétés sur le Catalogue officiel avant de pouvoir accéder aux différents marchés. Elle le fait également en prenant en considération la réponse qu’avait donnée la Cour de Justice de l’Union européenne après avoir été saisie par Kokopelli sur le même sujet.

Le Catalogue Officiel : référence, garantie et transparence

La législation européenne prévoit qu’avant d’être commercialisées au sein de l’Union Européenne, les variétés végétales doivent subir un processus d’épreuves officielles et être inscrites aux catalogues nationaux et communs des variétés. Ces règles assurent aux agriculteurs, horticulteurs et utilisateurs de semences, l’accès à des semences de qualité.

En effet, cette inscription au Catalogue garantit que :

  • deux variétés végétales identiques ne sont pas commercialisées sous des noms différents.
  • deux variétés végétales différentes ne sont pas commercialisées sous le même nom.
  • la variété bénéficie bien des caractéristiques attendues par son utilisateur.

Par ailleurs, ces dernières années la législation française puis européenne a ouvert dans les catalogues de nouvelles listes pour les variétés menacées d’érosion génétique, les variétés anciennes et les variétés destinées à des marchés de niche.

L’échange entre amateurs de graines de variétés non inscrites est légal

Cet arrêt permet également de rassurer les jardiniers amateurs en rappelant que les cessions ou les échanges de petites quantités de semences non inscrites sont possibles entre « particuliers amateurs de jardinage qui ne font pas commerce de leurs semences potagères ». Le cadre réglementaire dans lequel s’exerce la mise en marché des semences est ainsi réaffirmé. Dans le cadre actuel, qu’il s’agisse de commercialiser des variétés anciennes, des populations traditionnelles ou des variétés nouvelles, elles doivent être inscrites sur une des listes du Catalogue Officiel.

Réponse du RSP : L’objectif du GNIS est peut-être d’interdire toute vente aux jardiniers amateurs de semences des dizaines de milliers de variétés qui ne peuvent pas toutes être enregistrées au catalogue officiel. Ce n’est pas l’objectif du législateur européen.

Le catalogue officiel a été mis en place pour « améliorer la productivité des cultures » de l’agriculture professionnelle chargée de garantir la sécurité alimentaire des populations urbaines. Contrairement à ce que prétend le GNIS, il ne se contente pas de garantir la dénomination et les caractéristiques revendiquées des semences commercialisées, il leur impose aussi une obligation de standardisation (homogénéité et stabilité) qui rend nécessaire l’utilisation massive sur tout le territoire d’intrants chimiques (engrais et pesticides. Cette obligation est contraire à la qualité intrinsèque des semences paysannes anciennes ou modernes qui conservent une grande diversité et variabilité indispensable à leur adaptation aux conditions de culture et climatiques elles-mêmes très diversifiées et de plus en plus variables. Les excès de cette mission « productiviste » du catalogue ont déjà été largement dénoncés et une réforme européenne est annoncée pour tenter d’y remédier.

Mais le législateur européen n’a jamais eu la prétention d’imposer les mêmes règles au jardinage amateur. Cette agriculture dite « de loisir » répond d’abord à des objectifs de découverte et de conservation de la biodiversité végétale, gustative, culinaire et culturelle qui sont souvent opposés à tout objectif de productivité maximum. La directive européenne qui encadre le commerce des semences de légume dit clairement que « les échanges de semences qui ne visent pas une exploitation commerciale de la variété ne relèvent pas de la commercialisation » et ne sont donc pas concernés par l’obligation d’inscription de la variété au catalogue. Jusqu’à preuve du contraire, le jardinage amateur vise l’autoconsommation ou le partage de la récolte et non une exploitation commerciale de quelque variété que ce soit. Surtout lorsqu’aucune variété n’est cultivée, mais uniquement des « cultivars » hérités des générations précédentes qui n’ont jamais été homogénéisés ni stabilisés pour mériter le titre de variété tel qu’il est défini dans la loi.

Alors qu’elle n’était pas interrogée sur la légalité de l’activité commerciale de Kokopelli, la Cour d’appel a curieusement voulu se prononcer sur ce point. Elle développe une analyse grammaticale pour le moins étonnante afin de transformer l’obligation européenne d’enregistrement de la variété au catalogue qui ne s’applique qu’à la vente ou à toute cession réalisées « en vue d’une exploitation commerciale », en une obligation française qui devrait s’imposer aussi à toute vente ou cession réalisées « dans le cadre d’une exploitation commerciale ». Cette analyse est, au dire de la Cour elle-même, sans incidence sur sa décision qui ne concerne que la concurrence déloyale  : est-ce pour cela que les juges se sont contentés de reprendre à leur compte la réécriture fantaisiste du texte européen revendiquée par le GNIS depuis de nombreuses années ? N’ont-ils pas confondu les missions régaliennes de contrôle de d’application du droit des semences confiées par les pouvoirs publics à cette interprofession, avec ses missions de groupe de pression économique chargé de revendiquer des lois favorables à ses adhérents ? Alors qu’ils ont interrogé la Cour de Justice de l’Union européenne sur de nombreuses autres questions, pourquoi ne l’ont-ils pas interrogée aussi sur ce point litigieux qu’elle est la seule à pouvoir trancher en dernier ressort ?

 

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