Interdictions nationales des cultures OGM : victoire ou marché de dupe ?

Le 15 avril dernier, les députés ont voté une loi visant à interdire « la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié sur le territoire national ». Victoire éphémère ou durable ? Seules nos mobilisations feront pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

Une interdiction fragile à la portée limitée

Cette loi interdit de semer le seul OGM aujourd’hui autorisé à la culture. Mais le Sénat doit encore se prononcer : elle ne sera donc applicable qu’après la fin des semis de maïs. Pour cette année, l’interdiction des cultures OGM repose sur un arrêté du 14 mars contesté par l’AGPM1 devant le Conseil d’État qui doit se prononcer en urgence : le fera-t-il avant ou après la fin des semis ? Et la Commission européenne a déjà annoncé sa volonté d’autoriser d’autres cultures OGM dès 2015 : faudra-t-il une nouvelle loi pour chaque nouvelle espèce autorisée ?

Ensuite, cette loi n’interdit pas les importations d’OGM que nous mangeons tous les jours transformés en œufs, viandes et autres produits laitiers. Elle n’interdit pas non plus les nouveaux OGM cachés et brevetés qui envahissent nos champs : tournesol, maïs et colza rendus tolérant aux herbicides (VrTH)… N’étant pas étiquetés, ces OGM passent inaperçus auprès des consommateurs qui n’en veulent pas.

États et Europe se renvoient la patate chaude

Cette loi est aussi contraire au droit européen actuel. Pour comprendre sa portée, il faut revenir à la loi OGM du 25 juin 2008 qui transcrit ainsi un article de la directive européenne 2001/182 : « les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l’environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées “sans organismes génétiquement modifiés” ». Cet article oblige de fait l’État à interdire toute culture de maïs OGM risquant de contaminer les maïs population et les ruches « sans OGM » qu’on peut trouver dans toutes les zones où le maïs est cultivé.

Mais aucun gouvernement n’ose affronter le lobby du maïs industriel qui veut des OGM pour la seule défense des apiculteurs et de quelques agriculteurs bio. Tous tentent de se réfugier derrière la réglementation européenne. Mais les « mesures d’urgence » européennes exigent la validation par une étude publiée dans une revue scientifique officielle de l’existence d’un risque grave pour la santé ou l’environnement. Or une telle étude ne peut pas être réalisée ni publiée sans l’accord du titulaire du brevet de l’OGM, seul détenteur des semences de base indispensables à sa réalisation. Le sort de G-E Séralini qui a contourné cette obligation est instructif : Monsanto ne le lui a pas reproché de peur de dévoiler au grand jour ce verrou légal à toute contestation scientifique des OGM ; suite à une vaste campagne de calomnies, il s’est contenté d’introduire un de ses anciens salariés chez l’éditeur de l’étude qui l’a alors retirée…

Refuser le nouveau marché de dupe

Les gouvernements ont pourtant un autre moyen d’interdire les OGM : faire appliquer leur demande du 5 décembre 2008 de renforcer leur évaluation en tenant compte des impacts sur les systèmes agraires. Mais la Commission européenne ne fait rien pour appliquer cette recommandation du Conseil de l’environnement. Au contraire, elle veut simplifier et accélérer les procédures d’autorisation européennes. En échange, elle propose aux États de réviser la directive 2001/18 pour les autoriser à interdire la culture de certains OGM sur leur territoire, ce qui « légaliserait » la loi française visant les maïs OGM. Mais il ne pourront le faire qu’avec l’accord de l’entreprise qui produit l’OGM ou sur la base d’arguments autres que sanitaires ou environnementaux qui sont les seuls acceptés par l’Organisation Mondiale du Commerce. Si l’Europe a pu résister aux sanctions de l’OMC, c’est parce qu’elle n’a pas interdit que la production de viande aux hormones, mais aussi son importation. Mais aucun pays ne pourra résister à la pression de ses agriculteurs victimes à la fois de telles sanctions et de distorsion de concurrence face à la libre circulation des OGM venant des autres pays autorisant leur culture.

Deux mesures très urgentes attendent la nouvelle Ministre Royal : refuser ce marché de dupe et interdire les colza VrTH avant les semis d’août. Il ne nous reste que quelques mois pour la convaincre.

Guy Kastler, commission OGM de la Confédération Paysanne

1Association Générale des Producteurs de Maïs de la FNSEA

2L’article 26 bis qui dit que « Les États membres peuvent prendre les mesures nécessaires pour éviter la présence accidentelle d’OGM dans d’autres produits ».

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5 réflexions au sujet de « Interdictions nationales des cultures OGM : victoire ou marché de dupe ? »

  1. Vous n’êtes pas sans ignorer les actions de GREENPEACE contre les OGM. Leur dernière Newsletter du 30/04/2014 informe d’analyses faites sur le sol Français prouvant la présence sur 3 échantillons de semences de maïs de “six OGM différents, dans des semences pourtant “certifiées sans OGM” ! “.
    Votre titre ” … ou Marché de dupe ?” trouve là sa réponse !!!!!!!
    Qui essaye de nous “duper” (je reste poli) ?
    Les semenciers ? Nos ministres ? Nos députés ? Nos élus Européens ?
    Tous + ou – ?
    Il faut croire que nous ne serons jamais assez nombreux et vigilants pour lutter contre ces complices dont l’intérêt n’est que financier.

  2. Accepter les OGM c’est accepter les herbicides, insecticides et tous ces produits dont le nom est formé avec le suffixe “ide” comme suicide. Tous ces produits qui font la guerre à la nature. Mais nous sommes un élément de cette nature et nous ne pouvons y échapper, nous ne sommes pas au dessus de ses lois.

  3. L’AGPM (Association générale des producteurs de mais) sorte de filiale de la très puissante FNSEA ( syndic agricole ) dirigé par un dirigeant de l’agro alimentaire Sofiprotéol (huiles et protéines végétales) cherche par tous les moyens à implanter le mais transgénique Mon 810 en faisant appel au conseil d’état pour défaire successivement les moratoires ou interdictions de l’état français ! Le siège de cet organisme se trouve 23 avenue de Neuilly Paris 16è
    La commission de l’UE est à l’origine des autorisations de plantes transgéniques..
    Le risque majeur est la perte de notre liberté de cultiver et de manger sans OGM avec la dispersion incontournable des pollens sur tout le territoire et les possibles effets dévastateurs sur la santé et l’environnement à plus ou moins longues échéances !

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