Benoît Hamon avait raison ! par Francine PRAUD
Pour commencer, une petite chronologie tirée du magazine scientifique epsiloon (n°34 – avril 2024) :
Juillet 2023
Fourier Intelligence, entreprise chinoise comme son nom ne l’indique pas, annonce la production en série de son robot humanoïde GR-1.
Septembre 2023
Agility Robotics annonce l’ouverture de Robofab, une usine où seront produits plus de 10 000 robots Digit par an.
Octobre 2023
Les Digits sont testés sur un site d’Amazon.
Novembre 2023
La Chine déclare la robotique humanoïde priorité nationale et annonce vouloir se lancer dans la production de masse d’ici à 2025.
Janvier 2024
Des robots humanoïdes Figure O1 sont testés en situation réelle dans une usine BMW.
On ne peut le nier : les robots humanoïdes feront très bientôt partie du paysage industriel.
Paru dans Epsiloon, l’excellent article d’Alexandre Roupioz (L’Arrivée des Humanoïdes) soulève cette question :
Pourquoi « humanoïde », pourquoi deux bras, deux jambes, un tronc, une tête plutôt que des mobiles à chenilles dotés de plusieurs tentacules ?
Jonathan Hurst, directeur technique d’Agility Robotics fournit un élément de réponse : « Aujourd’hui, nous développons des robots capables d’opérer dans des environnements humains sans modification de l’espace. »
Revoir l’agencement complet d’ateliers et bâtiments industriels qui ont été conçus par et pour l’humain serait trop onéreux. La seule solution est de produire des robots capables d’évoluer aisément dans ces espaces, donc des robots de forme humaine.
De plus, certaines réalisations industrielles, telles la conception d’avions ou la fabrication de grosses turbines, requièrent un travail sur de très grandes pièces et ne se prêtent pas au déploiement de bras robotisés répétitifs à base fixe, comme employés dans la construction automobile.
Mieux vaut un robot souple et multifonctionnel, capable de changer de poste et d’opérer dans un environnement complexe où il faut s’agenouiller, s’allonger voire ramper autant que travailler en hauteur.
Cette agilité est maintenant possible. Les unités humanoïdes sont équipées de nouveaux moteurs appelés « direct drive » fonctionnant grâce aux forces magnétiques générées par des aimants. Libérés des engrenages, les moteurs magnétiques « direct drive », qui actionnent les parties mobiles, offrent à l’ensemble une réactivité accrue, permettant ainsi un retour rapide à l’équilibre en cas de choc et une maîtrise fine de la force exercée. Le robot peut, par exemple, serrer la main d’un humain sans la broyer.
De l’industrie à la vie quotidienne, il n’y a qu’un pas. De l’humanoïde « boîte de conserve métallique » à l’androïde qui nous ressemble, il n’y a qu’un pas. Reste à savoir quand il sera franchi.
En 2022, des chercheurs japonais ont créé et « cultivé » une peau vivante capable de recouvrir le visage métallique d’un androïde et de reproduire des expressions humaines, comme le sourire, tout en étant imperméable et auto cicatrisante. Nos grands médias viennent de diffuser la nouvelle cette semaine.
Les androïdes ne seront sans doute pas destinés à l’industrie où le soin apporté à leur « esthétique » relève du superflu. Aussi peut-on imaginer qu’ils soient réservés à des usages impliquant une interaction avec le public.
L’arrivée des humanoïdes et androïdes, annoncée dès les années 50 par l’auteur de science-fiction, Isaac Asimov, amènera très probablement une mutation profonde de notre société. Une véritable révolution industrielle puis sociétale, comme l’a été en son temps le développement de véhicules automobiles.
Or les progrès ultra rapides de cette branche de la robotique trouvent peu d’échos dans la presse non spécialisée et les journaux télévisés pourtant avides d’infos « sensationnalistes ». Leur quasi silence interroge.
De son côté, le monde politique semble imperméable aux questions soulevées par ce tsunami technologique en route vers nos côtes, préférant mettre en avant, je cite, « la valeur travail ».
Benoît Hamon fait exception, qui en 2017 parlait de taxer les robots et créer un revenu universel versé à tous les citoyens majeurs pour, entre autres visions prospectives, compenser les pertes d’emploi et de revenus inhérentes à cette mutation.
Il est difficile d’anticiper tous les secteurs et métiers qui seront un jour impactés par l’arrivée des travailleurs humanoïdes. Cependant il apparaît d’ores et déjà que des constructeurs automobiles et le géant du commerce en ligne, Amazon, sont impliqués dans le développement de ces robots. En 2022, Amazon n’a pas hésité à investir dans l’entreprise américaine Agility Robotics. Dans la perspective d’un « entrepôt du futur » entièrement automatisé et peuplé d’humanoïdes qui n’ont besoin ni de repos, ni de pauses pipi, ne se syndiquent pas et ne font pas grève ?
Que deviendront les femmes et les hommes remplacés par ces esclaves-machines ? Dire qu’ils pourront tous se reconvertir en techniciens ou ingénieurs roboticiens relève de l’ironie.
Le sujet dérange, la question fâche. Elle devrait pourtant être posée à ceux qui affirment vouloir « remettre la France au travail ». Certes, ce n’est pas aujourd’hui, c’est demain, mais demain arrivera vite.
Sources :
– L’Arrivée des Humanoïdes par Alexandre Roupioz – Epsiloon n°34 – avril 2024
– Robotique : les humanoïdes arrivent ! (francetvinfo.fr)
– Optimus : le nouveau robot humanoïde imaginé par Elon Musk (youtube.com)
– La Chine vise une production de masse des robots humanoïdes d’ici à 2025 (actuia.com)
– Cette peau pour robot met vraiment mal à l’aise (futura-sciences.com)