Plan Algues Vertes de la Lieue de Grève, où est ta victoire ?

On a beau chercher, on ne trouve guère des raisons de crier victoire après cinq ans de lutte contre les marées vertes toxiques en baie de Lannion. Qu’on en juge. Les objectifs en moyens de 2011 non-atteints en 2015, ont été reconduits pour 2021 dans le nouveau plan. Reportés de cinq ans les 60 % de la Surface Agricole Utile en herbe, parce qu’on en a gagné que 4 %. Reportés de cinq ans les 10 exploitations nouvelles en agriculture biologique sur le bassin versant, puisqu’à l’occasion du plan quinquennal précédent on n’en gagné que deux. A cela ajoutons l’inventaire encore inachevé des zones humides, alors qu’il était une des conditions de leur restauration et de leur valorisation de dénitrifcation.

Pas surprenant alors que les résultats ne soient pas à la hauteur des attentes de 2011, même si le président du Plan Algues Vertes nous met sous les yeux un magnifque tableau de concentration moyenne en nitrates des cours d’eau de la Lieue de Grève. Car, que veut dire un taux de nitrates dans un verre d’eau si on ne nous dit rien du nombre de verres versés dans la mer ? Il aurait été mieux inspiré de se référer à une autre unité de mesure, celle du calcul des fux de nitrates, pour mesurer la quantité réelle arrivée dans la baie.

Paradoxalement, c’est au début du Plan précédent en 2011, que ces fux ont été les plus faibles avec 562 tonnes annuelles sur le principal cours d’eau, le Yar, et en 2014, en pleine période d’action de ce plan, qu’ils sont montés au plus haut, soit 1088 tonnes annuelles. Et à la fn du plan en 2016, on culmine à 843, soit plus qu’à son départ. A cela une seule explication : les nitrates sont très solubles et sont lessivés dès la première pluie. Or, il n’a échappé à personne que 2011, c’est la sécheresse et 2014, les inondations. Conclusion, même avec un plan censé les éradiquer, les nitrates en excédent sont toujours là en amont, et n’attendent que les précipitations pour se précipiter à la mer et nourrir les marées vertes.

Ces excédents sont-ils moins importants qu’auparavant ? Sur le long terme, un peu moins certes, sans que personne puisse imputer cette baisse à un quelconque Plan collectif de réduction. La preuve est apportée par un simple tableau de l’organisme public InfEau de janvier 2017. Cette baisse lente des excédents de nitrates est générale dans les cours d’eau du département des Côtes d’Armor et même de Bretagne, ni plus ni moins que dans ceux de la Lieue de Grève. Si on s’en teint à la concentration de nitrates par litre d’eau, le record de baisse est atteint ailleurs, le Blavet ou même en aval de quelques rivières de l’est du département, et faut-il le préciser, sans Plan Algues Vertes… Donc cette baisse générale est liée à une conjonction de facteurs comme l’amélioration des pratiques sous le coup de la réglementation et des mesures agro-environnementales, la baisse de la production à la suite de la répétition des crises de l’élevage laitier et avicole. Dans ce contexte, qui peut quantifier l’impact précis de toutes les mesures des Plans Algues Vertes que seuls les bons élèves s’imposent quand les mauvais poursuivent en toute impunité leurs pratiques condamnables ?

Mais le coup fatal porté contre ce Plan Algues Vertes vient de l’administration même chargée de le mettre en oeuvre. N’est-ce pas elle qui obtient des résultats remarquables dans la rivière voisine du Léguer, classée désormais rivière sauvage, alors qu’elle ne bénéfcie d’aucun plan algues vertes ? Faut-il y voir l’effet d’une forte protection d’un cours d’eau qui alimente en eau potable Lannion et sa région ? S’il faut crier victoire, c’est sur le Léguer, pas dans la Lieue de Grève.

Que dire à Monsieur le Président, si fer de son action, sinon que les faits sont têtus, et que les marées vertes le sont hélas ! tout autant. Il nous dit en ramasser moins. Tant mieux pour les dépenses publiques. Pour autant les échouages sont-ils moins abondants ? A écouter le Centre d’Etudes et de Valorisation des Algues qui suit chaque année leur progression, ce sont 40 % de surfaces couvertes d’algues en plus en 2017 par rapport à une moyenne 2002-2017.

Tout concorde : moyens insuffsants, résultats non quantifables, marées vertes persistantes, risques sanitaires toujours présents. Plan Algues Vertes de la Lieue de Grève, où est ta victoire ? On la cherche vainement. Et, il ne faut pas attendre 2021 pour espèrer l’atteindre.

D’ailleurs, comme un air de défaite annoncée, les auteurs du nouveau plan, à l’unanimité de ses rédacteurs, moins une voix, la mienne, n’envisagent plus l’éradication totale de cette pollution pour l’étape ultime de 2027, seulement sa réduction de moitié. A supposer même cet objectif atteint, ils disent aux générations futures qu’elles devront vivre avec 10 000 tonnes d’algues échouées par an, pas moins et même vraisemblablement plus. Il faudrait donc que nos enfants s’habituent à fréquenter une baie, la seule de toute la Bretagne nord, dont les eaux marines sont classées en mauvais état écologique, avec tous les risques sanitaires qui vont avec. Amis surfeurs et baigneurs, vous êtes prévenus.

Tout ça pour ça !
Non, tout ça pour des millions d’euros. 5 340 000 euros pour cinq ans, sans compter les frais de ramassage de l’ordre de 700 000 à 800 000 euros par an et les autres aides extérieures dont celles des mesures agro-environnementales. Et c’est cette somme qui est reconduite pour les quatre années à venir. N’est-il pas indécent en ces périodes de disettes forcées des services publics d’alimenter à fonds perdus des plans voués à leur échec annoncé ? Ces 5 millions et plus n’auraient-ils pas mieux servi à l’hôpital de Lannion et aux éphads du secteur ?

Que cet argent eût été mieux employé si aujourd’hui en ces périodes de printemps quand prolifèrent ces algues, nos campagnes trégorroises avaient feuri de la reine des prés plutôt que d’être mises à nu et souillées de lisier que la moindre averse conduira à la mer ! Ce n’est pas de 60 % de prairies dont a besoin la Lieue de Grève, mais de 100 %. Que cet argent serve à bannir le maïs et à le remplacer par de l’herbe ! Que cet argent, notre argent, serve à réduire le cheptel et non pas à l’augmenter comme avec les 6000 poules prévues en plus à Plouzélambre ! En ces temps où l’agriculture intensive est en crise, que notre argent soit destiné à aider les exploitants à retrouver le lien simple et sain avec la terre pour qu’ils produisent moins mais mieux, pour qu’ils vendent moins mais à un meilleur coût, qu’ils ne polluent plus et qu’ils vivent mieux ! C’est la seule condition pour que les rivières trégorroises ne larguent plus de nitrates en excès et cessent d’alimenter les algues vertes.

Depuis le temps que les agronomes et les chercheurs de l’Ifremer comme Alain Menesguen le préconisent, que de temps perdu ! Et ce sont des dizaines d’autres années que le Plan Algues Vertes 2017-2021 nous engage à perdre avec notre argent.

Sauvegarde du Trégor en appelle à toutes les Trégorroises et les Trégorrois pour qu’ils interpellent leurs élus, pour que cesse ce gaspillage, que cesse enfn cette pollution dont ont été victimes hommes et animaux et qui jette une ombre sur la qualité de notre environnement et le développement touristique de notre région.

Pour Sauvegarde du Trégor le 9 mai 2018, son président : Yves-Marie Le Lay

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Une réflexion au sujet de « Plan Algues Vertes de la Lieue de Grève, où est ta victoire ? »

  1. bonjour Yves-Marie;
    Merci pour ce rappel. Précis. C’est effarant, cette inertie. Cette difficulté collective à faire évoluer les pratiques, à passer à l’herbe, au bio, à l’agro-écologie.
    Avec Rivières Sauvages, nous essayons de tirer vers le haut les pratiques, toutes les pratiques sur les bassins versants, en Bretagne et ailleurs. Cela peut-être un stimulus pour la collectivité, les habitants, les paysans, les usagers divers, l’administration, la fierté d’habiter au bord d’une rivière exceptionnelle poussant normalement à la respecter, obligeant à l’exigence. Et cela peut, doit être contagieux, servir d’exemple.
    Merci de continuer d’être vigilant.
    Envoie-moi ton texte en format word.
    Amitiés,
    Martin Arnould

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