Bonjour à tous,
De retour de Bruxelles et Paris, j’ai le privilège de vous transmettre (ci-dessous) le texte du discours que j’ai lu devant l’assemblée devant Madame la Présidente Erminia Mazzoni, les parlementaires dont Sandrine Bélier, Philippe Boulland et Boguslaw Sonik (MEP) et personnalités présents au « Workshop on the exploration and exploitation of shale gas in the European Union and its impact on the environment and the energy policy » ce 9 octobre 2012.
Après le commentaire de la nouvelle version de « Impacts of shale gas extraction on the environment and on human health » par Matthias Almann, j’ai eu le grand honneur et privilège d’ouvrir le débat avec la lecture de mon discours ci-dessous. L’appel à consensus européen, relayé dans l’ensemble de l’UE a été appuyé par ma (longue) lettre ci-jointe analysant la problèmatique des gaz et huile de schiste au plan européen. Le Parlement européen en avait transmis l’analyse par le Cabinet MILIEU.be de Bruxelles
9th October 2012 : Milieu Ltd presented a legal analysis at a European Parliament Committee on Petitions workshop.
et Martha BALLESTEROS, Principal Legal and Policy Advisor, l’a longuement et parfaitement analysé et a ainsi appuyé les arguments qu’elle contenait, non sans rappeler qu’aux termes de l’article 17 du Traité fondateur de l’UE, aucune interdiction ne pouvait être prononcé par le Parlement Européen concernant l’exploitation des Gaz et huiles de schiste.
Néanmoins, je pense avoir contribué utilement à avoir fait « bouger les lignes » puisque l’attitude de la Commission Européenne a évolué favorablement dans mon sens en revenant sur la position tranchée qu’elle avait exprimé lors du Workshop du 28 février dernier et celui du 9 octobre en acceptant de reconsidérer les risques et le cadre législatif de la réglementation européenne. Une VICTOIRE pour nous tous.
DISCOURS :
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les eurodéputé(e)s,
Je vous prierai tout d’abord d’excuser quelques digressions par rapport au texte original dû à l’actualité récente.
Par le combat que nous menons quotidiennement bénévolement, nous nous efforçons d’agir pour l’environnement, la planète et la biodiversité menacée. En effet, nul n’ignore maintenant que le réchauffement climatique est à 90% d’origine anthropique et que cela va occasionner des bouleversements sans précédent sur la biosphère et l’humanité toute entière1. La nécessité se fait donc impérieuse de convaincre nos dirigeants que nos besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Ce combat, nous le faisons aussi pour contrer l’impact très certainement incommensurable, les conséquences sous-évaluées de l’exploitation – qui ne sera jamais sécuritaire par quelque technique que ce soit – des gaz et huiles de schiste.
Si le Gouvernement français maintient l’interdiction de la seule fracturation hydraulique, l’hypothèse d’une exploration par de nouvelles méthodes n’est pas exclue et les Compagnies s’y emploient. Or, il n’existe et n’existera pas de processus industriel écologiquement recevable pour cette extraction.
La situation économique actuelle ne sera pas non plus résolue par cette “énergie de diversion nous éloignant d’une économie soutenable2 ” mais par le recours aux énergies renouvelables car la création d’emplois par les énergies fossiles est un mythe, une main-d’œuvre à haute technicité étant requise pour les emplois on et off-shore.
Pour en revenir aux gaz de schiste, il y a quatre éléments essentiels qui servent de point de départ à l’analyse de cette problématique, parmi lesquelles l’extraction de seulement 20% des huiles et gaz de schiste contenus dans le « shale » ainsi que le rapide déclin de sa production ; comme en atteste les récentes études de l’UE3. La fracturation, créée artificiellement avant l’extraction par la nécessité de libérer le méthane piégé dans la roche-mère, occasionne un processus irréversible d’écoulement du gaz dans les failles naturelles ou créées. Cette migration va se poursuivre pendant des décennies, voire davantage, en une opération où aucune solution technique ne sera disponible pour remettre le shale dans son état d’imperméabilité originelle. Aucun organisme ne peut alors en prévoir les conséquences, surtout par le risque de chevauchement avec le volume potentiel4 de CO2 enfoui. Une autre étude menée par 27 géoscientifiques de l’Université de Boulder5 démontre que l’émission et les fuites de méthane ont un pouvoir réchauffant d’environ 25 fois supérieur au CO2.
Les arguments des foreurs qui imputent les risques de pollution des nappes phréatiques à une défectuosité du tubage sont irrecevables au vu de la tendance naturelle à la dispersion de ce composé volatil, même après la fermeture des puits.
25 séismographes ont été suivis au Texas pendant près de deux ans ayant permis de détecter des tremblements de terre cependant de très faible intensité6, mais localisant leur épicentre aux régions où de fortes injections avaient eu lieu, car, quelque soit la technique employée, la fracturation déstabilise la masse compacte du sous-sol.
Si, comme la Commission l’a indiqué , aucune nouvelle norme n’est, selon elle, nécessaire pour réglementer cette exploitation [Workshop du 28 février 2012], l’application de la réglementation européenne reste difficile car elle est principalement liée aux produits et j’ajouterais que neuf grandes lacunes ont été identifiées telles qu’elles figurent dans « Impacts of Shale Gas and oil extraction on the environment and on human health » [me référant ici à la précédente version], ainsi que l’absence des activités d’exploration et d’exploitation des GDS dans les directives touchant à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère ou à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution7.
Puisque la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, il conviendrait de souscrire aux préconisations de l’OCDE par la généralisation de mécanismes pour que « polluer coûte plus cher que respecter l’environnement » et à cet égard, nous reprenons volontiers à notre compte les recommandations du Conseil Economique Social et Environnemental français de «veiller à l’application de ce principe » afin que l’UE se fixe un objectif de « zéro-impact » et que « dans l’organisation des Etats membres, les fonctions de régulation et de contrôle soient clairement séparées, afin de s’assurer que les préoccupations environnementales sont bien prises en compte ».
Nous adhérons aussi à la SUPPRESSION DES NICHES FISCALES et des SUBVENTIONS AUX ENERGIES FOSSILES et à la nécessité d’inclure les activités liées à l’extraction du gaz à l’annexe III de la directive sur la Responsabilité Environnementale 8 afin de contraindre les opérateurs à libérer une garantie financière obligatoire [comme la Cion ENVI en a adopté la résolution pour le off-shore] et à des exigences en matière d’assurance de « responsabilité civile professionnelle » et d’« atteinte à l’environnement » pour couvrir tout dommage causé du fait de leurs activités, et afin d’offrir une sécurité juridique aux populations concernées9.
En effet, si lorsqu’une menace imminente de dommage environnemental apparaît, l’autorité compétente désignée par chaque État membre peut “obliger l’exploitant à prendre les mesures préventives appropriées pour ensuite recouvrer les frais afférents à ces mesures”, une question cruciale reste en suspens : celle des assurances, compte tenu des coûts élevés liés aux accidents dans les industries minières.
On le voit, des incertitudes juridiques subsistent – même si la notion de « préjudice écologique » a été enterinée par la jurisprudence du procès de l’Erika – afin de déterminer, par exemple, à quelle hauteur doit-on dépolluer – pour parvenir à une réparation primaire d’un site – surtout lorsque plusieurs activités industrielles s’y sont succédés.
Je vous remercie, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les eurodéputé(e)s, d’avoir bien vouloir nous recevoir en nos observations et notre pétition ainsi que la Commission ENVI qui appelle à la prudence et à une analyse détaillée du règlement sur les combustibles fossiles non-conventionnels et nous permettre d’œuvrer aussi contre la dégradation des sols à l’échelle européenne, une nécessaire réforme du carbone européen [et j’ai bien noté que le Parlement européen se penchera sur la question le 19 février prochain] et pour un nouveau paradigme de modèle écologiquement durable car, plus que le pic pétrolier, ce sont nos propres limites qui sont atteintes.
Danièle favari,
Juriste en droit et droit européen de l’environnement
Auteur de l’Appel à un Consensus européen pour une transition énergétique, relayé dans tous les pays de l’UE concernés par la problématique des gaz de schiste (Pétition n°0504/2012)
Invitée du Parlement Européen à Bruxelles pour l’atelier sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans l’Union européenne et son impact sur l’environnement et la politique énergétique du Parlement Européen , du 9 octobre 2012
1 – GIEC 2007
2 – Eloi Laurent, économiste, Conseiller scientifique à l’OFCE, enseignant à Sciences Po et Stanford
3 – « Potential Energy Market impacts in the European Union », “Support to the identification of potential risks for the environment and human health arising from hydrocarbons operations involving hydraulic fracturing in Europe” et « Climate impact of potential shale gas production in the EU »
4 – Michael Celia of Princeton University [ Theodora Shelton Pitney Professor of Environmental Studies, Professor of Civil and Environmental Engineering, Ph.D., Civil Engineering, Princeton University, 1983, M.A., Civil Engineering, Princeton University, 1981, M.S., Civil Engineering, Princeton University, 1979, B.S., Civil Engineering, Lafayette College, 1978] says the biggest threat may be to carbon storage.
5 – Journal of Geophysical Research, publiée le 21 février 2012 :
6 – moins de 3 sur l’échelle de Richter
7 – (Directive 2010/75/UE du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (Directive 2011/92/EU codifiée du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement)
8 – Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004
9 –
Merci de nous tenir informés de cet épineux dossier. Il est clair que l’interdiction d’exploration et donc d’exploitation sera difficile à obtenir et que le battaille est loin d’être finie. Les exemples des ravages causés par une telle ressource – éventuelle – d’energie aus USA et au Canada donnent vraiment tous les arguments pour vouloir un moratoire en attendant l’interdiction définitve.
Je me demande jusqu’où l’homme est-il prêt à aller en terme de destruction de la planète pour sauvegarder un aveuglement suicidaire ?