Il ne faudrait pas que l’écologie finisse en eau de boudin.

L’Europe poursuit sa «dénaturation». A 355 voix contre 247, le Parlement européen a voté mercredi 8 octobre pour restreindre les appellations «steaks», «saucisses», ou «escalopes» aux seuls produits qui contiennent de la viande.

Un décret similaire avait été publié par le gouvernement Attal le 27 février 2024 et annulé par le Conseil d’Etat le 28 janvier de l’année suivante. Ce dernier s’était appuyé sur une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en date du 4 octobre 2024, estimant qu’un «État membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales» d’utiliser des «noms usuels ou [des] noms descriptifs». (1)

Est-il en effet besoin de rappeler aux 355 députés européens adeptes de la monosémie que les termes «steak » (anglicisme désignant un bifteck ) et «saucisse», pour ne prendre que ceux-là, ne sont pas des appellations protégées mais des noms usuels ?

Plus généralement, est-il besoin de rappeler qu’une langue pratiquée est dite «vivante» par sa capacité à évoluer au «fil du temps» (une catachrèse), à s’animer par des figures de style, à intégrer des termes nouveaux et des changements sémantiques pour les mots existants ?

Prenons le mot «saucisse» qui, au-delà d’une préparation charcutière, connote une forme particulière. Par exemple, lors de la Première Guerre mondiale, on appelait «saucisses» les ballons d’observation captifs de forme allongée.

Personne n’irait affirmer que les poilus de la boucherie de 14-18 portaient atteinte aux éleveurs français !

L’élu allemand Peter LIESE trouve «dommage» que le Parlement européen consacre du temps à «une telle bêtise ». A mon sens, il s’agit non seulement d’une perte de temps, mais aussi d’une manifestation désagréable et inquiétante de l’écolo bashing qui a cours actuellement. Un musellement par la confiscation de mots. Si nous laissons faire, l’écologie pourrait bien finir en eau de boudin.

De leur côté, celles et ceux qui voudraient interdire plusieurs appellations aux produits végétariens ne se privent pas de pratiquer l’exagération langagière pour qualifier les défenseurs de l’environnement. C’est pourquoi j’aimerais rappeler à Madame DISDIER, députée RN très virulente sur les réseaux sociaux, que lorsque «dépression», terme médical à la base, désigne une récession économique, il s’agit d’un glissement sémantique. En revanche, quand elle utilise publiquement les mots «Khmers verts» pour parler des écologistes (2), il s’agit d’un odieux dérapage qui pourrait faire l’objet d’une poursuite judiciaire.

Francine P

(1) Source : Vert, le média qui annonce la couleur. Article du 08/10/25 : Saucisse, burger, steak… Les eurodéputés votent l’interdiction de ces termes pour les produits végétariens.

(2) Steak végétal, jambon végan : voler nos noms, c’est trahir nos terroirs. Pas touche à la viande, pas touche à la vérité ! | Mélanie Disdier | Facebook

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Une réflexion au sujet de « Il ne faudrait pas que l’écologie finisse en eau de boudin. »

  1. L’affaire des produits végétariens débaptisés fait également du bruit en Allemagne :
    https://reporterre.net/Bataille-autour-des-saucisses-veganes-en-Allemagne-ou-l-alimentation-vegetale-decolle
    Entendre que cette attaque sur l’alimentation végane et végétarienne n’est qu’une manifestation des derniers soubresauts de “l’ancien monde” ne me rassure pas. Je me sentirai mieux quand ce dernier n’aura plus une majorité d’électeurs derrière lui.

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