La France soutient les subventions au nucléaire au lieu d’agir pour la transition énergétique

Communiqué commun du Réseau “Sortir du nucléaire“, des Amis de la Terre, Réaction en Chaîne Humaine et du Réseau Action Climat – 17 septembre 2013
À l’approche de la Conférence environnementale, le bilan de la politique énergétique française est affligeant. Au lieu d’agir pour la transition énergétique, et alors même qu’elle prétend réduire la part du nucléaire, la France fait des pieds et des mains pour soutenir l’industrie atomique ! C’est ainsi que, depuis des mois, EDF, Areva et les autorités françaises agissent de concert au niveau européen pour que le nucléaire puisse bénéficier de nouvelles subventions. Le Réseau “Sortir du nucléaire“, les Amis de la Terre, le Réseau Action Climat et Réaction en Chaine Humaine dénoncent ces pratiques de lobbying agressives et opaques sur un sujet qui concerne le futur de l’ensemble des citoyens européens.
Inquiète du recul du nucléaire au niveau international et anticipant sans doute le renouvellement de son parc nucléaire, la France soutient dans l’ombre des couloirs de Bruxelles les projets de la Commission Européenne visant à faire bénéficier le nucléaire des mêmes subventions que les énergies renouvelables [1]. Les nouvelles règles encadrant les aides d’État en Europe sont actuellement au stade des propositions mais seront très prochainement soumises à consultation au niveau des Etats avant leur vote au niveau européen. Ces consultations se déroulent généralement loin des débats publics mais plusieurs associations telles que les Amis de la Terre, le Réseau “Sortir du nucléaire“ et la Réaction en chaîne humaine entendent bien les mettre sous les projecteurs !
En traitant le nucléaire comme une énergie « décarbonée », ce projet est du pain béni pour les pays pro nucléaires tels que la France, la Grande-Bretagne, la Pologne et la République Tchèque car il leur permettrait de financer le nucléaire [2] sans enfreindre les règles de libre concurrence. Mais, outre le fait que le risque d’accident et la production de déchets ingérables devraient suffire à interdire tout recours au nucléaire, c’est occulter que l’ensemble de la filière émet bien des gaz à effet de serre [3]. « Plaider le caractère « décarboné » du nucléaire est surtout un excellent alibi pour la France pour maintenir le statu quo et continuer de financer ses fleurons industriels », déclare Lucie Pinson des Amis de la Terre. Les subventions au nucléaire, c’est autant de fonds qui ne vont pas aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables. C’est pourtant bien celles-ci et non l’atome qui constituent les vraies solutions au changement climatique.
Les associations dénoncent en outre un favoritisme inacceptable pour le nucléaire. « Les aides d’État étant en principe destinées au soutien de technologies en développement, il est scandaleux d’en faire bénéficier le nucléaire : dangereuse et inutile, cette technologie du siècle dernier a déjà été sur-subventionnée de manière directe et indirecte » rajoute Charlotte Mijeon du Réseau “Sortir du nucléaire“. Financement de la recherche, construction du parc avec les fonds publics, sous-estimation du coût des déchets et du démantèlement dans le prix de l’électricité, réparation et indemnisation par l’Etat en cas d’accident, garanties de la COFACE pour soutenir les exportations… la liste est longue ! « En tant que citoyens européens, nous pensons que seules les énergies renouvelables et les économies d’énergie, qui sont d’ailleurs bien plus créatrices d’emplois que le nucléaire, doivent être soutenues », déclare Christine Hasse de la Réaction en chaîne humaine.
Mais pour vendre des réacteurs, la France est prête à toutes les manigances. À travers ces lignes directrices, la France se fait le relais des intérêts d’EDF, qui demande à pouvoir bénéficier d’un tarif d’achat garanti pour l’électricité produite par le réacteur EPR qu’elle veut faire construire en Grande-Bretagne pour compenser ses coûts financiers élevés. Au regard du droit européen actuel, ce mode de financement est illégal [4] ; mais si elles entraient en vigueur, les nouvelles lignes directrices pourraient ouvrir la porte à des mécanismes qui reportent les coûts sur les contribuables. Ces tentatives des firmes nucléaires pour capter l’argent public sont d’autant plus révoltantes qu’en parallèle, Areva a mené des démarches auprès de la Commission Européenne pour demander le « retrait progressif » de « toute une série de distorsions tarifaires » telles que « les subventions aux énergies renouvelables et à la lutte contre la précarité énergétique » [5] !
Ces manoeuvres en sous-main d’un État aux ordres de l’industrie nucléaire sont inacceptables et ôtent toute crédibilité à un gouvernement qui prétend réduire la part du nucléaire dans le mix énergétique. Sur ces sujets qui engagent l’avenir énergétique, les citoyens français et européens méritent des décisions transparentes et soucieuses du bien commun. Les associations invitent les citoyens à signer la pétition envoyée à la Commission Européenne (www.my-voice.eu) pour dénoncer ces processus non démocratiques et demander une vraie transition énergétique plutôt qu’un soutien indécent à une technologie mortifère.
Contacts presse : Réseau “Sortir du nucléaire“ : Charlotte Mijeon – 06 64 66 01 23
Les Amis de la Terre : Caroline Prak – 01 48 51 18 96
La Réaction en Chaîne Humaine : Christine Hasse – 07 77 20 27 71
Réseau Action Climat : Célia Gautier – 01 48 58 89 76

Notes
[1] Voir ici les contributions de la France et des autres pays : http://ec.europa.eu/competition/state_aid/modernisation/energy_environment_en.html#comments
[2] http://www.independent.ie/world-news/scene-set-for-nuclear-power-row-as-eu-rules-on-state-aid-due-soon-29506330.html
[3] Voir la brochure inter-associative Face à la menace climatique, l’illusion du nucléaire : http://www.rac-f.org/Face-a-la-menace-climatique-l
[4] Voir les travaux de la coalition Energy Fair : http://www.energyfair.org.uk/
[5] http://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/nuclear-boss-wants-to-cut-family-fuel-aid-8537553.html

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2 réflexions au sujet de « La France soutient les subventions au nucléaire au lieu d’agir pour la transition énergétique »

  1. vendredi 20 septembre 2013

    Discours du président de la République à la conférence environnementale : encore des mots, toujours des mots

    Le président de la République a prononcé ce matin le discours d’ouverture de la conférence environnementale. Suite au climat tendu des dernières semaines, FNE attendait d’être rassurée, que François Hollande prouve que la transition écologique annoncée l’année dernière n’était pas une vaine promesse ne visant qu’à apaiser les écologistes de toute nature. Si la parole est belle, elle n’a engagé à rien de nouveau ni de concret. Décevant.

    Seule bonne nouvelle : l’objectif de diviser par deux la consommation d’énergie d’ici 2050

    Il revient au président de la République de fixer des objectifs ambitieux à son Gouvernement. Nous sommes heureux d’avoir su, avec l’ensemble des ONG, convaincre l’Etat de la justesse de cet objectif pour être l’un des moteurs de la transition énergétique.

    Peu de nouvelles décisions

    Il nous reste visiblement du chemin à parcourir pour que le président de la République intègre un certain nombre d’enjeux de la transition écologique. Ce discours est une redite de celui de l’année dernière, mais avec un périmètre réduit à la seule transition énergétique.

    Pour l’économie circulaire, l’enjeu n’est pas compris. Pas un mot sur la nécessité de développer l’économie de la prolongation de la durée de vie des objets, qui est une vraie opportunité à la fois en termes d’emplois et de préservation des ressources.

    Sur l’efficacité énergétique, le président n’annonce toujours rien de concret concernant la rénovation du parc de bâtiments du tertiaire, sauf l’application de la RT 2012 en 2014,qui représente la plus grosse part des économies d’énergie facilement atteignable. C’est pourtant une des clés essentielles de la maitrise de la consommation de l’énergie.

    Alors que la France a une lourde responsabilité en tant que puissance maritime de premier plan, aucun engagement n’est pris pour faire de notre un pays un leader dans l’encadrement et la transparence des activités en haute mer.

    Encore des mots, toujours des mots…

    Pas d’annonces concrètes ce matin pour mettre en œuvre les objectifs déjà fixés précédemment : pas de calendrier pour les 50% de nucléaire en 2025, des décisions qui vont alourdir les amendes européennes pour non respect de la directive sur l’eau (directive nitrates et DCE) sans qu’aucun signal contraire ne soit envoyé…

    La création de l’agence de la biodiversité est confirmée, mais rien n’est dit sur les moyens qui lui seront dédiés, ni sur le statut de son personnel.

    Concernant le projet de loi de finances pour 2014, qui avait été annoncé l’année dernière comme le virage vers la fiscalité verte, FNE salue la proposition de taxe carbone, mais cette dernière ne va pas assez loin si elle doit être « insensible pour les entreprises et les citoyens », et n’est pas suffisante à elle seule pour instaurer une fiscalité écologique. Et quid du Livre blanc du financement de la transition écologique annoncé l’année dernière ?

    Et quelle surprise d’entendre à peine une phrase sur les emplois de la transition écologique, alors que cette table ronde, réclamée par FNE, est au cœur de la préoccupation majeure des Français.

    Bruno Genty, président de FNE, conclut : « Espérons que les tables rondes relèveront le niveau des ambitions en posant des actes forts, applicables immédiatement. Nous attendions le passage aux actes, on continue à nous bercer de belles paroles et de promesses. Face à l’urgence l’Etat procrastine, mais plus tard pourrait être trop tard…»

  2. Conférence environnementale 2013 : rien de nouveau, les décisions urgentes ne sont toujours pas prises !

    Un an après la première conférence environnementale, aucune avancée n’a été effectuée et les insuffisances se confirment. Le retard s’accumule et les décisions urgentes restent à prendre.

    Fessenheim : énième annonce pour confirmer le flou de la fermeture !
    François Hollande a répété que Fessenheim fermerait d’ici fin 2016. Le gouvernement confirme qu’il continue d’ignorer les éléments qui témoignent de la dangerosité de la centrale et justifient son arrêt immédiat.
    Par ailleurs, il n’est pas possible de se satisfaire d’annonces concernant Fessenheim. En un an, mise à part la nomination d’un délégué interministériel, rien n’a été fait. Ce n’est pas avec la méthode Coué que la centrale sera fermée, mais bien avec l’adoption de mesures qui, jusqu’ici, font toujours défaut !

    Réduction de la part du nucléaire : le calcul ne tient toujours pas !
    François Hollande a promis qu’en vertu de la loi sur la transition énergétique – qui ne sera pas votée avant fin 2014, laissant du temps au lobby nucléaire pour effectuer son travail de sape – , le gouvernement reprendrait la main sur la politique énergétique. Traditionnellement, les gouvernements n’ont jamais eu besoin de loi pour ouvrir des centrales, pourquoi en faudrait-il une pour en fermer ?

    En l’absence de fermeture de nouveaux réacteurs, on ne voit toujours pas comment la réduction de la part du nucléaire va se concrétiser, avec le seul arrêt de Fessenheim et l’ouverture prévue de Flamanville. En outre, malgré des annonces carillonnantes sur la réduction des consommations d’énergie d’ici 2050 – un objectif bien lointain par ailleurs -, aucune annonce n’a été faite sur la réduction des consommations électriques.

    L’ignorance du risque nucléaire perdure
    Pendant ce temps, le chantier calamiteux de l’EPR se poursuit, sans que les pouvoirs publics ne se soucient des malfaçons.
    Pendant ce temps, les centrales vieillissent – et pas seulement Fessenheim – et accumulent les problèmes techniques graves, une vingtaine de réacteurs ayant dépassé les 30 ans. Et la situation du parc nucléaire français n’inquiète pas que les antinucléaires. Même Pierre-Franck Chevet, président de l’ASN, a récemment rappelé qu’il n’était “pas impossible” qu’une anomalie ou la détection d’une corrosion oblige à fermer soudainement “de 5 à 10 réacteurs”. Il est irresponsable de la part du gouvernement d’ignorer ces mises en garde par ailleurs modestes (du fait de la construction en série du parc, un nombre bien plus élevé de réacteurs pourrait être concerné).

    N’attendons pas un accident en France pour réagir ! En dépit de l’inaction du gouvernement, la sortie du nucléaire est plus que jamais nécessaire et urgente.

    Contact presse : Marc Saint Aroman – 05 61 35 11 06
    Chargée de communication : Charlotte Mijeon – 06 64 66 01 23

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