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Plus de 115 ans après la signature de la Loi Dorée(1), l'esclavage est encore d'actualité au Brésil, notamment dans les plantations de canne à sucre. Le secteur sucrier y est en pleine expansion car la libéralisation programmée du commerce international favorise les modes de production de ce pays. Les grandes multinationales, souvent européennes, ne s'y sont pas trompé, et investissent massivement au Brésil depuis quelques années. Or, en négligeant le respect des droits dans ce secteur, elles s'apprêtent à cautionner les formes modernes d'esclavage et à importer du sucre produit dans des conditions odieuses.
Les "grands" de l'industrie sucrière ont pourtant adopté, en 2003, un code de conduite sur la responsabilité sociale de leurs entreprises qu'ils ont présenté comme exemplaire. Mais ce code, au-delà de ses insuffisances et des limites inhérentes à ce type de démarche, ne s'applique pas au-delà des frontières européennes. D'où la nécessité d'exiger des compagnies, et notamment de Tereos, premier groupe étranger au Brésil, d'étendre leurs engagements à toute la filière.
Antonio Malaquias a 35 ans. Il est coupeur de canne à sucre. Il a emprunté pour venir chercher du travail dans la région de Piracicaba (Etat de São Paulo), l'un des centres modernes alcoolo-sucrier du pays. Une décision qui lui a coûté cher car il est aujourd'hui tellement endetté qu'il lui est impossible de retourner auprès de sa femme et de ses 5 enfants, alors qu'il voulait leur rapporter de l'argent.
Souvent, les coupeurs se lèvent à 4h30 pour prendre un bus qui les emmène sur leur lieu de travail où ils arrivent 1h30 plus tard. Sur place, les cadences sont infernales, car le nombre de cannes qu'ils coupent déterminera leur salaire. Le soir, chemin inverse. Arrivés chez eux, les travailleurs préparent la nourriture qu'ils emmèneront aux champs le lendemain, ce qui leur vaut leur surnom de "Boias Frias" (bouffe froide).
La saison de la coupe, qui dure 5 à 8 mois dans l'année, provoque le déplacement de milliers de brésiliens, originaires notamment des régions du Nord, Nordeste et Sud.
A Piracicaba, ces migrants représentent 80% de la population. L’immense majorité d’entre eux n'a pas de couverture sociale. Analphabètes pour la plupart, les coupeurs sont surtout des hommes, âgés de 18 à 45 ans. Beaucoup tombent malade à cause des différences climatiques, sans compter les accidents de travail qui font de nombreuses victimes.
Le taux de suicides dans cette catégorie sociale est bien au-dessus de la moyenne. Faute de moyens, ils sont souvent contraints de rester sur place une fois la saison terminée, sans travail.
Ces conditions de vie infernales sont dénoncées par des organisations brésiliennes comme la FERAESP, Fédération des Employés Ruraux Salariés de São Paolo, qui oeuvre au quotidien pour améliorer la situation.
Mettre fin au travail esclave.
En fait, beaucoup de chômeurs brésiliens sont réduits à l'esclavage par le biais d'un système de travail lié(2). Des agents des grands propriétaires les recrutent avec la promesse de bons salaires. Mais une fois sur place, ils doivent rembourser leur voyage, acheter leurs outils, louer un logement. Ils se trouvent endettés avant même d'avoir commencé à travailler.
En 1995, le gouvernement a créé le Secrétariat d'Inspection du Travail, qui agit en collaboration avec la police pour lutter contre ce fléau.
Avec l'arrivée au pouvoir du Président Lula, l'Etat brésilien a renforcé ce combat. Mais les avancées sont difficiles. Il faut en effet qu'un travailleur dénonce son employeur et que les faits puissent être prouvés. De plus, le nombre de fonctionnaires fédéraux est insuffisant. Enfin, la misère contraint les chômeurs à endurer en silence les pires conditions.
Néanmoins des signes positifs sont enregistrés. Les dénonciations se multiplient et, en 2004, la police fédérale a libéré plusieurs dizaines de personnes en situation, selon des propres termes, "d'esclavage moderne" dans la ville de Piracicaba.
C'est dans cette même région que se concentrent la plupart des investissements d'entreprises européennes.
Les multinationales concernées
En prévision de la réforme du marché sucrier, les investissements européens, notamment français, ont augmenté de manière considérable au Brésil ces dernières années.
Le secteur vit à l’heure des grandes manoeuvres. Avec la fusion-acquisition de Beghin Say par l'Union SDA, le nouveau groupe, Tereos, est devenu le premier groupe étranger dans le pays, au côté d'autres entreprises comme Louis Dreyfus, les sociétés allemandes Sudzucker et Nordzucker, la British Sugar, les suisses Glencore et Alcotra et l'américaine Cargill.
Or, la plupart des problèmes d'esclavage sont liés à la sous-traitance de la main d'œuvre, pratique courante dans ce secteur. Les multinationales se dégagent ainsi de leurs responsabilités.
Pourtant, en 2003, l'industrie sucrière européenne s'est bruyamment engagée dans un processus volontaire de responsabilité sociale et environnementale en adoptant un code de conduite.
Même si cette démarche volontaire est insuffisante pour garantir des conditions sociales et environnementales satisfaisantes dans le secteur(3), ce code pourrait aider les syndicats du Sud à obtenir des améliorations. A condition toutefois que le texte ne se limite pas à l’Europe comme c’est le cas actuellement ! Il est donc essentiel que les multinationales concernées, au premier rang desquelles Tereos qui dispose de marges de manoeuvre et de possibilités d’influence substantielles, fassent respecter leurs propres engagements sur l'ensemble de la filière à commencer par les champs de canne.
(1) Le Brésil a “importé” des millions d'esclaves africains pour valoriser les matières premières et produits tropicaux intéressants pour la "Mère Colonisatrice", le Portugal. Apres l'indépendance (1822), l'esclavage a continué au profit des riches propriétaires terriens. La "Loi Dorée" y mettant officiellement fin a été signée en 1888.
(2) Cf. Appel n°236 du Réseau-Solidarité (24 mai 2001) : Brésil - Pour ne pas finir esclave. Entre 25 000 et 30 000 travailleurs seraient en situation d'esclavage au Brésil.
(3) Cf. “Codes de conduite , Outil de progrès social ou coup de pub ?”, publié par Peuples Solidaires, 2004, 114 p. La réforme du marché sucrier L'Organisation Commune du Marché du Sucre (OCM-sucre) de l'Union Européenne a assuré des recettes d'exportation stables à un petit nombre de pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Mais les subventions aux exportations de sucre européen (betteraves) ont entraîné un dumping sur les autres marchés, et une baisse des prix. Les équilibres du marché sucrier sont en train de se modifier considérablement au niveau mondial. La libéralisation complète du marché européen est prévue pour 2009. De plus, la plainte déposée par le Brésil, la Thaïlande et l'Australie à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) contre la politique sucrière européenne a abouti le 28 avril dernier, ce qui va contraindre à de nouvelles négociations. Ces changements ont été anticipés par les multinationales qui ont massivement investi dans les pays du Sud pour bénéficier de la libéralisation.
Position des ONG françaises
La Plate-forme pour des Agricultures durables et solidaires a adopté en juillet 2004 un texte de positionnement sur la réforme du marché sucrier, également repris par le CRID (collectif d’associations de solidarité internationale).
http://www.agricultures-durablessolidaires. org
http://www.crid.asso.fr
Appel réalisé en lien avec : Collectif de l'Ethique dans le Sucre http://sucre.ethique.free.fr
Syndicat des travailleurs ruraux de Potirendaba (affilié au FERAESP et à la CUT brésilienne)
 
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