Agro-écologie, Climat, Justice fiscal Qu’est ce qu’on attend ?

Collectif 29 pour la souveraineté alimentaire dans les pays du Sud et en Europe *

Agro-écologie, Climat, Justice fiscal

Qu’est ce qu’on attend ? (1)

Le Collectif 29 pour la Souveraineté Alimentaire dans les pays du Sud et en Europe interpelle les candidats aux élections présidentielles et législatives sur 3 urgences pour les citoyens et leur planète : l’agro-écologie, le climat et la justice fiscale.

Avec de très nombreuses organisations paysannes et ONG à travers le monde, le Collectif 29 pour la Souveraineté Alimentaire dans les pays du Sud et en Europe a pour objectif que la Souveraineté Alimentaire devienne la pierre angulaire des politiques agricoles et alimentaires. L’agriculture de type industriel, et le libre échange, très majoritairement promus par les décideurs économiques et politiques, se montrent incapables de résoudre le problème de la faim dans les pays du sud. Elle y est trop souvent à l’origine de violences, d’accaparements de terre, de violations des droits humains. En France et en Europe, malgré le soutien financier important de la PAC une grande majorité des paysans traversent une crise profonde et sont sans perspectives, dans un environnement économique marqué par un taux de pauvreté et précarité sans précédent. Un autre modèle est possible et souhaitable : l’agro-écologie paysanne, seule solution pour nourrir le monde sans dégrader la biodiversité, l’environnement et le climat.

Les conséquences désastreuses du réchauffement climatique causé pour l’essentiel par une activité humaine carbonée débridée sont maintenant mieux connues du grand public grâce à la communication de la COP 21. Pourtant les mesures visant à maintenir la hausse des températures au-dessous de 2 degrés ne sont pas prises ou tardent à se mettre en place.

L’évasion fiscale et les dérives de l’optimisation fiscales sont l’avatar d’une société où le graal pour un grand nombre est de devenir milliardaire. Nous y voyons le symptôme d’une crise du vivre ensemble et il nous paraît important de souligner la potentialité dévastatrice de telles pratiques.

Le développement de l’agro-écologie et la lutte contre le réchauffement climatique nécessitent, au Sud comme au Nord, la mise en place de politiques publiques incitatives donnant aux acteurs les moyens financiers pour gérer la transition. Une grande partie de ces moyens financiers peut être récupérée en réorientant les aides de la PAC et en donnant un coup d’arrêt à lévasion fiscale.

1 – Qu ‘est-ce qu’on attend pour faire du développement de l’agro-écologie paysanne une priorité, dans les pays du Sud, mais aussi en France et en Europe ? Le mouvement est à peine entamé, il faut accélérer la transition.

Nos constats :

Le modèle agricole promu par la majorité des organisations agricoles et des politiques français et européens est celui de l’agriculture industrielle, basé essentiellement sur des critères de compétitivité et de rentabilité. La course à la productivité conduit à des systèmes de production très gourmands en énergie, en soja OGM importé, en pesticides, en antibiotiques. Nos dirigeants économiques et politiques veulent appliquer ce modèle à la terre entière car c’est le seul, selon eux, capable de nourrir 9,5 milliards d’hommes en 2050. Et pourtant le bilan de l’agriculture industrielle, associée aux industries agroalimentaires, est désastreux :

  • L’agriculture industrielle participe à la détérioration de l’emploi : en France il n’y a plus que 800 000 actifs qui travaillent dans l’agriculture, soit environ 2,6 % des actifs totaux ; ils étaient 25 % en 1950. Quand il y a 10 % de chômeurs, est-ce raisonnable de continuer à réduire le nombre d’actifs agricoles ? Dans le monde, l’agriculture emploie plus de 1,3 milliard de personnes, soit près de 40% de la population active. Dans les pays les moins développés 70 % des actifs sont des agriculteurs ; l’agriculture vivrière nourrit les 2/3 de la population mondiale sans subventions et le plus souvent sans pesticides. Le développement du modèle agricole agro-industriel dans ces pays entraînerait un chômage massif et des migrations incontrôlées vers les bidonvilles et l’Europe.

  • Les coûts environnementaux et sanitaires sont de plus en plus élevés. L’usage généralisé des engrais chimiques et surtout des pesticides contribue à la pollution des sols, de l’eau et de l’air, à la détérioration des sols et à la baisse importante de la biodiversité : entre 1970 et 2000, 40 % des espèces de vertébrés ont disparu ! Les élevages intensifs consomment la moitié des antibiotiques produits dans le monde et cela pose déjà de gros problèmes d’antibiorésistance en médecine humaine. Des mesures lourdes ont été nécessaires en Bretagne pour ramener les nitrates à un niveau acceptable. Pour les pesticides et les antibiotiques, qui ont un impact beaucoup plus lourd sur la santé, un changement de modèle s’impose (voir annexe Environnement et santé).

  • Le faible coût des aliments payé par les consommateurs est un leurre, il ne traduit pas le coût réel des aliments issus de l’agro-industrie : c’est la collectivité qui finance la PAC, indemnise le chômage, paye les conséquences environnementales et sanitaires. Ce modèle d’agriculture n’est pas durable. A l’avenir, il coûtera beaucoup moins cher à la collectivité de payer à leur juste prix des aliments produits sans pesticides et sans antibiotiques que de financer un système de santé de plus en plus impacté par l’agro-industrie.

  • L’objectif prioritaire de rendre notre agriculture compétitive sur les marchés internationaux est insensé : seulement 7 % de la production agricole européenne sont exportés hors UE, tandis que nous importons la plus grande partie de nos protéines. Pourquoi vouloir alors s’aligner sur les « moins disant » et exposer l’ensemble des agriculteurs européens aux prix artificiels des marchés mondiaux ? Pourquoi mettre l’agriculture vivrière du Sud en concurrence avec l’agriculture compétitive et subventionnée de l’Europe ? Pourquoi négocier des traités de libre échange (TAFTA, CETA, APE…) qui ne feront qu’accentuer les travers de l’agro-industrie ?

  • L’alimentation est un marqueur de classe : les familles touchées par la pauvreté n’ont pas accès aux aliments de qualité et leur alimentation très souvent déséquilibrée s’accompagne d’une fréquence plus élevée de troubles de santé.

Promouvoir l’Agro-écologie paysanne, une agriculture citoyenne.

En lieu et place de ce modèle d’agriculture-business défaillant et lourd de conséquences sur les plans de l’environnement, de la santé, de l’économie et de justes rapports entre les peuples, un autre modèle d’agriculture est possible : l’agro-écologie paysanne.

Le Journal Officiel de la République définit l’agro-écologie comme un «ensemble de pratiques agricoles privilégiant les interactions biologiques et visant à une utilisation optimale des possibilités offertes par les agrosystèmes». Définition qui s’accompagne de la note suivante : «L’agro-écologie tend notamment à combiner une production agricole compétitive avec une exploitation raisonnée des ressources naturelles.» En 2014, la loi d’avenir agricole (Stéphane Le Foll) précisait qu’il s’agit de réduire «la consommation d’énergie, d’eau, d’engrais, de produits phytosanitaires et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques».

Notre vision de l’agro-écologie paysanne est plus large, elle inclut une réflexion sur notre rapport à la terre, à la nourriture, à la vie. L’agriculture n’est pas l’affaire exclusive des agriculteurs et des industries agroalimentaires. Tous les citoyens et les consommateurs sont concernés. Au-delà de la production agricole proprement dite, il faut faire le lien entre l’agriculture, l’alimentation et les consommateurs-citoyens, entre tous les secteurs d’activité au niveau d’un territoire. Nous choisissons les structures familiales plutôt que les très grandes fermes bio de l’Europe de l’Est, les circuits courts ou les entreprises de transformation locales plutôt que les multinationales de l’agro-alimentaire. Ce type d’agriculture prend plusieurs visages, par définition, puisque il s’adapte aux pays et territoires, aux savoir faire paysans et aux attentes des populations. C’est le sens de l’agro-écologie paysanne…et citoyenne.

L’agro-écologie n’est pas le « retour à la bougie », c’est une « agriculture savante » comme le dit Marc Dufumier, qui allie des savoir faire ancestraux et les connaissances scientifiques apportées par la Recherche agronomique ; il y a de grosses marges de progression devant nous. L’agro-écologie paysanne, c’est l’avenir, ici comme dans les pays du Sud :

  • elle est économe en énergies fossiles, en engrais azotés, en pesticides, en antibiotiques, ce qui est favorable au climat, à la qualité des aliments, de l’air, de l’eau …et à la santé.

  • elle dégage une meilleure valeur ajoutée par unité produite et permettra de recréer de l’emploi en agriculture, de l’activité en milieu rural.

  • elle a un effet favorable et indispensable sur la biodiversité.

  • Elle remet du lien entre les paysans et les consommateurs, les citoyens

  • c’est aussi le modèle qui convient le mieux aux pays en développement qui disposent d’une main d’œuvre nombreuse et de peu de moyens pour acheter des intrants et du gros matériel. Une part importante de la production y est écoulée sur les marchés locaux, mais l’approvisionnement des villes devra être mieux organisé.

Nous demandons à nos élus.e.s :

  • de donner la priorité au développement de l’agro-écologie paysanne. Il faut assurer un revenu à des agriculteurs plus nombreux pour services rendus à la collectivité en produisant des aliments de qualité dans un environnement sain. Y consacrer des moyens importants dès aujourd’hui entraînera pour demain des économies substantielles dans les dépenses liées à la santé et à l’emploi ;

  • de réorienter les aides de la PAC : remplacer les primes à l’ha par des primes par actif, accentuer les mesures agro-environnementales et soutenir une part croissante de produits bio et locaux dans la restauration collective, en commençant par les enfants. Cette mesure créera un marché attractif pour les producteurs qui feront le choix de l’agro-écologie et contribuera à donner aux familles pauvres l’accès à une nourriture de qualité ;

  • de mettre fin aux négociations de libre échange. L’agro-écologie paysanne va de pair avec la souveraineté alimentaire, en Europe comme dans les pays du Sud. Le libre échange tue la souveraineté alimentaire. La France et l’UE doivent privilégier le marché européen, relocaliser la productions de protéines végétales et s’abstenir de concurrencer les productions vivrières du Sud. Signer le CETA ou le TAFTA c’est prendre la direction opposée à l’agro-écologie paysanne. Imposer les APE à l’Afrique c’est mettre les paysans africains en grosse difficulté face à notre agro-industrie subventionnée par la PAC et prendre le risque de déstabiliser les pays, provoquant des migrations massives vers l’Europe.

2 – Qu’est-ce qu’on attend pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique ?

Le climat se réchauffe et les scientifiques ont tiré le signal d’alarme. Le désert avance et menace l’agriculture de subsistance en Afrique ; le manque d’eau touche aussi le sud de l’Europe. La montée des eaux et les tempêtes menacent les côtes ; c’est déjà une réalité au Bangladesh. 600millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim d’ici à 2050. De 2011 à 2014 plus de 80 millions de réfugiés climatiques ont été recensés et l’ONU en prévoit 250 millions en 2050.

Lors de la COP21 la plupart des pays ont pris conscience des risques encourus par les dérèglements climatiques et se sont engagés à mettre en œuvre les moyens nécessaires pour limiter à 2 degrés l’accroissement des températures. La France a « réussi »sa COP21 en fin 2015, mais depuis chacun reprend ses habitudes. L’État français doit être exemplaire et donner un signal de départ plus volontariste. La PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) pour 2023 manque d’ambition. La France doit aller plus vite et plus loin dans la transition énergétique et ne pas oublier que l’agriculture contribue à hauteur de 20 % des gaz à effet de serre ; le protoxyde d’azote (N2O) issu de l’agriculture intensive est 300 fois plus nocif que le CO2, et représente à lui seul 12 % des gaz à effet de serre produits par la France. Pour cette raison aussi un changement de mode de production agricole s’impose.

Nous demandons à nos élus.e.s de prendre rapidement des dispositions pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique:

  • d’inciter les citoyens et les entreprises à réduire leur consommation d’énergie, notamment dans les habitations, les transports et les moyens de production ;

  • d’investir dans la recherche sur la production et le stockage des énergies renouvelables ;

  • d’accélérer la production d’énergies renouvelables dans la perspective de se passer complètement des énergies fossiles (à commencer par le charbon) et des agrocarburants, et de sortir du nucléaire ;

  • d’arrêter la production et l’importation des agrocarburants industriels. Mettre fin immédiatement aux accaparements de terre dans les pays du Sud, surtout quand l’objectif est de produire des agrocarburants industriels ;

  • de refuser définitivement les gaz de schistes ;

  • de privilégier l’agro-écologie paysanne : en réduisant la consommation d’énergie fossile et l’émission de N2O, en stockant davantage de carbone, le développement de l’agro-écologie paysanne contribuera efficacement à la lutte contre le réchauffement climatique. Pour service rendu à la collectivité, les agriculteurs devront recevoir une juste rémunération de leurs efforts.

  • L’attention portée à la terre comme potentiel « puits de carbone » pour compenser les émissions de GES risque de renforcer partout la compétition dans l’accès à la terre : des entreprises voudraient ainsi « acheter » le droit de ne rien changer à leurs émissions de GES. la France doit s’opposer à toutes les « fausses solutions » promues par les multinationales et à toutes les formes d’accaparements de terre, surtout quand ils ont d’autres objectifs que de nourrir les populations.

  • Après la COP21, la France doit poursuivre son engagement auprès des pays qui voudraient se soustraire à leurs obligations climatiques.

3 – Qu ‘est-ce qu’on attend pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale, pour aller vers plus de justice fiscale ?

Les inégalités ne cessent de s’accroître dans la majorité des pays du monde : selon Oxfam, les 8 personnes les plus riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. La France est le 3ème pays de l’OCDE où l’inégalité a le plus augmenté entre 2007 et 2013. Les grandes multinationales « aspirent » leur richesse au détriment des populations et cherchent à se soustraire à l’impôt en organisant l’optimisation et l’évasion fiscales via les paradis fiscaux et les accords de complaisance. L’opinion publique est excédée par les scandales d’évasion et de fraude fiscale concernant les grandes entreprises et les particuliers. En France, l’évasion fiscale coûte entre 40 et 60 milliards d’euros par an à L’État. En moyenne et en part du revenu national, les pertes de revenu liées à l’évasion fiscale sont 30 % plus importantes dans les pays en développement que dans les pays de l’OCDE.

Dans un contexte de concurrence fiscale qui entraîne un nivellement fiscal par le bas au sein de l’UE, l’évolution du système fiscal français est marquée par une perte de progressivité, pourtant essentielle dans la réduction des inégalités :

  • l’impôt sur le revenu dépassait 12 % des prélèvements obligatoires en 1981 : il n’en représente plus que 7,8 % ;

  • à l’inverse, 80 % des recettes fiscales françaises sont prélevées selon le même taux pour tous, à l’image de la TVA, ce qui représente un effort financier plus important pour les ménages les moins aisés ;

  • les crédits d’impôts, qui représentent 83 milliards € en 2016, bénéficient davantage aux entreprises et aux foyers les plus aisés ;

  • les taux d’imposition des sociétés ont passé de 50 % en 1980 à 28 % en 2017 Par l’optimisation fiscale, les multinationales descendent bien au-dessous de ce taux.

Au final, on observe une concentration des richesses entre les mains d’une minorité et il y a de moins en moins de redistribution des richesses à l’ensemble de la société. La paix sociale et le mieux vivre ensemble, passent nécessairement par la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale, par une plus grande justice fiscale. La France doit s’y investir davantage ; ce doit être une priorité pour l’UE et, au-delà, dans les instances internationales (Nations Unies, OCDE…). La lutte contre la fraude et l’évasion fiscale dégagera de nouvelles ressources pour développer l’agro-écologie, faire reculer la pauvreté* et la faim, éviter les catastrophes liées au dérèglement climatique.

Nous demandons à nos élus.e.s :

  • de combattre l’évasion fiscale, d’accroître la transparence en adoptant une définition ambitieuse et contraignante des paradis fiscaux ;

  • d’obliger les grandes multinationales françaises à rendre publiques des informations relatives à leurs activités (bénéfices, chiffre d’affaires,nombre d’employés) et aux impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles sont implantées, sans exception ;

  • de soutenir activement et publiquement une harmonisation des assiettes fiscales en Europe : les entreprises multinationales ne seraient plus en mesure de choisir les pays qui offrent les avantages fiscaux les plus favorables ;

  • de rééquilibrer la balance entre les impôts directs et indirects et privilégier les impôts progressifs afin de transférer la charge fiscale du travail et de la consommation vers la richesse, le capital et les revenus tirés de ces actifs.

* La pauvreté touche encore plus les femmes que les hommes. Et pourtant elles sont en première ligne pour pallier aux défaillances de certains services publics ; ceux-ci sont essentiels pour satisfaire les droits et les besoins des femmes dans les domaines de l’éducation, la santé, la mobilité…

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(1) Qu’est-ce qu’on attend ? Est le titre du dernier film de Marie-Monique Robin, qui a aussi produit Le monde selon Monsanto et Sacrée croissance. Ungersheim, petite ville d’Alsace de 2 200 habitants, s’est lancée dans la démarche de transition vers l’après-pétrole en décidant de réduire son empreinte écologique. Pour la mettre en oeuvre, la municipalité a lancé en 2009 un programme de démocratie participative, baptisé «21 actions pour le XXIe siècle».

(2) Viard A, Henault C, Rochette P, Kuikman P, Flenet F, Cellier P. Le protoxyde d’azote (N2O), puissant gaz à effet de serre émis par les sols agricoles : méthodes d’inventaire et leviers de réduction.

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Le Collectif 29 pour la Souveraineté Alimentaire dans les pays du Sud et en Europe est composé de 10 associations : la Confédération Paysanne, la Maison de l’Agriculture Bio, les CIVAM, Peuples Solidaires, CCFD-Terre Solidaire, le CMR, les Biocoop, Bro an Are, Attac 29.

Annexe : Environnement et Santé

Selon André Cicolella (1), 2 décès sur 3 dans le monde sont le fait des maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, cancers, diabète…). En France, ces maladies progressent 4 à 5 fois plus vite que le changement démographique. Le cancer touche 1 homme sur 2 et 2 femmes sur 5. Entre les hommes nés en 1913 et ceux nés en 1953, la fréquence des cancers de la prostate a été multipliée par 12 ! Notre environnement moderne est en cause (des milliers de molécules chimiques l’ont contaminé) mais aussi la malbouffe, la sédentarité. Les scientifiques pointent du doigt les perturbateurs endocriniens ; sur 250 pesticides testés par l’agence européenne, 110 sont des perturbateurs des hormones thyroïdiennes. Les effets les plus néfastes se situent pendant la grossesse et l’enfance.

Évolution en France du nombre de nouveaux cas

pour les grandes maladies chroniques (période 1990 – 2013)

(maladies reconnues en affections de longue durée)

Maladies cardio-vasculaires (période 1990-2010)

cancers

diabète

affections psychiatriques (Parkinson, Alzheimer…)

progression de la population (régime général) pendant cette période

+ 124 %

+ 102 %

+ 240 %

+ 71 %

+ 27 %

L’espérance de vie correspond à l’age moyen des décès chaque année ; elle progresse au rythme de 0,3 année par an, sauf en 2015 où elle a reculé de – 0,3. Mais l’espérance de vie en bonne santé (ou sans incapacité) pour les enfants qui naissent aujourd’hui aurait déjà diminué de 10 ans ! Ce n’est qu’une prévision scientifique, pas encore statistiquement avérée, mais néanmoins démontrée. Ainsi, une femme peut aujourd’hui passer en moyenne 22 ans de sa vie avec des incapacités contre 15 ans en 2004, en dépit de l’amélioration de la médecine moderne. Ce qui est certain, c’est que les coûts générés font imploser les systèmes de santé : en 2013 on a dépensé 64 milliards de plus qu’en 1994 (environ 1000 € par habitant) pour les maladies chroniques.

Selon l’Institut de veille sanitaire, 50 % des antibiotiques produits dans le monde sont destinés aux animaux, pour les soigner ou favoriser leur croissance (environ 60 % en France). La plupart de ces antibiotiques sont apportés à titre préventif dans l’alimentation ou l’eau. On observe de plus en plus de cas d’antibiorésistance dans les élevages, comme en médecine humaine. Les bactéries résistantes dans les élevages peuvent se retrouver dans l’environnement et l’alimentation. Selon l’ANSM, la résistance des bactéries aux effets des antibiotiques est à l’origine de 12.500 décès par an dans l’Hexagone et ce phénomène est en progression.

Pour l’Agence Santé publique France, la pollution de l’air est responsable de 48000 décès prématurés par an. L’Agence européenne de l’Environnement chiffre aussi à 430000 décès prématurés par an pour l’Europe. En cause, les particules fines issues de la combustion des énergies fossiles et les pesticides. Une proportion importante des pesticides se retrouvent dans l’air au moment de l’épandage ou s’évaporent dans les jours qui suivent. L’association Air Breizh estime qu’en Bretagne environ 60 % de particules fines PM10 et 30 % des PM2,5 sont issues de l’agriculture. Selon le Commissariat général au développement durable, les coûts sanitaires de la pollution de l’air seraient compris entre 20 et 30 milliards pour la France. Un rapport du Sénat en 2015 intitulé « Pollution de l’air, le coût de l’inaction » estimait ce coût à 100 milliards !

  • La part exacte de l’agriculture et de l’agro-alimentaire dans la dégradation de la santé est difficile à estimer, mais on ne peut plus ignorer l’impact sur la santé des pesticides présents dans les aliments, l’eau ou l’air, ni les problèmes d’antibiorésistance.

(1) André Cicolella (né en 1946) est un chimiste, toxicologue et chercheur français en santé environnementale, spécialiste de l’évaluation des risques sanitaires. Il est conseiller scientifique à l’Ineris et enseignant à Sciences Po. Il est président du Réseau Santé Environnement. André Cicolella a écrit « Toxique Planète : Le scandale invisible des maladies chroniques ». Il est à l’origine de l’interdiction du bisphénol A dans les biberons, du perchloréthylène dans les pressings, etc.

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