Une école installée à l’ombre d’une centrale nucléaire au mépris des règles de sécurité, c’est la France

Dans le Loir-et-Cher, un groupe scolaire a été inauguré il y a quelques mois. Problème, il se situe près de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux et ne respecte pas les mesures de sécurité préconisées par l’Autorité de sûreté nucléaire. Une inconscience qui n’est pas sans rappeler le précédent tragique de l’usine AZF.

une école à l'ombre de la centrale

une école à l’ombre de la centrale

Il y a quelques mois a été inauguré en Loir-et-Cher, sur la commune d’Avaray, un nouveau groupe scolaire pour les enfants d’Avaray et de Lestiou, la commune voisine. Il remplace deux écoles primaires existantes datant à peu près de Jules Ferry, et dépassées par les exigences des normes actuelles. Tout le monde semblait se réjouir de cet événement apparemment anodin et heureux.

Voisinage radioactif

Pourtant un groupe de militants vêtus de combinaisons blanches est venu rappeler le jour de l’inauguration que l’on assistait là à une grande première en France : la construction d’un ERP (établissement recevant du public) dans le périmètre rapproché d’une centrale nucléaire, en l’occurrence celle de Saint-Laurent-des-Eaux. Cette centrale possède deux réacteurs de 950 mégawatts en activité, et deux autres en démantèlement. Démantèlement étant en l’occurence un bien grand mot, puisque nulle part n’ont été démantelés jusqu’au bout ces types de réacteurs UNGG (Uranium naturel graphite gaz).

Manifestation

Manifestation

A ces INB (installations nucléaires de base) de production s’ajoute une INB de déchets proprement dits : les silos de graphite irradié (2 000 tonnes). A ces 2 000 tonnes on doit ajouter 2 500 tonnes par réacteur arrêté, ce qui fait pour Saint-Laurent 7 000 tonnes de graphite irradié pour un total national de 16 000 tonnes, et l’on sait désormais qu’ils dégagent du tritium gazeux, qui est un isotope de l’hydrogène. Que voilà un voisinage idéal pour une école primaire !
Pourtant la circulaire Borloo du 17 février 2010 recommande d’éviter les constructions sensibles dans les périmètres de dangers des centrales nucléaires, et ce par le biais d’un document précis commandé à l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) régionale, ici celle d’Orléans.
– Télécharger la circulaire Borloo :
PDF – 144.4 ko

Ce document s’appelle le Porter à Connaissance (PAC), il est sorti en mai 2011 et a défini dans le cas présent un périmètre de deux kilomètres de rayon. Il a pour mission d’informer les collectivités locales des risques liés au voisinage de la centrale, et de les inciter à maîtriser leur urbanisation en conséquence. Il précise clairement que « la zone n’a pas vocation à recevoir d’ERP sensible » et deux pages plus loin, il donne comme exemple d’établissement sensible les écoles, dont la vulnérabilité est qualifiée de forte car leurs occupants « seront inaptes à reconnaître un danger ou difficiles à évacuer ».

La carte de la zone dans le PAC

L’histoire se répètera-t-elle ?

On pourrait multiplier les citations pour montrer que l’ASN a fait son travail, mais que ses conclusions ont été contournées. Le préfet a subi des pressions de la part des parents d’élèves qui ont opté pour la proximité au détriment de la sécurité. La commune d’Avaray, qui n’a même pas de PLU, continue de se développer à l’intérieur du rayon de deux kilomètres cité plus haut : des pavillons poussent en face des réacteurs, sur la rive droite de la Loire.

Derrière le groupe scolaire, à droite, les tours de refroidissement SLB1 et SLB2 ; à gauche, les structures carrées cachées derrière les arbres sont les carcasses de SLA1 et SLA2, en cours de « démantèlement » depuis 20 ans ; elles contiennent chacune 2500 t de graphite irradié.

Derrière le groupe scolaire, à droite, les tours de refroidissement SLB1 et SLB2 ; à gauche, les structures carrées cachées derrière les arbres sont les carcasses de SLA1 et SLA2, en cours de « démantèlement » depuis 20 ans ; elles contiennent chacune 2500 t de graphite irradié.

Cette inconscience me rappelle l’accident de l’usine AZF à Toulouse en septembre 2001. Je me contenterai de citer le titre de l’article du Monde de Benoit Hopquin paru le 3 octobre 2001 : « La croissance urbaine de Toulouse a négligé la protection industrielle. Les textes qui, depuis 1976, sont destinés à assurer la protection des habitants, n’ont pas été intégrés dans les POS avec assez de rigueur. Des commerces, des routes et même un groupe scolaire ont été construits près de l’usine AZF. »
L’histoire se répètera-t-elle ?
Ce qui est immuable et sidérant, c’est cette continuité dans l’absence de culture du risque, si caractéristique de notre pays.

Nicole Combredet
Présidente de Sortir du Nucléaire 41

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