Combattre Monsanto ou faciliter la biopiraterie ?

Au prétexte de lutter contre Monsanto, Avaaz vient d’envoyer des millions de courriels sollicitant la générosité publique afin de lancer un commerce électronique mondial de semences. Le Réseau Semences Paysannes s’interroge : les paysans ont-ils besoin d’un « magasin mondial » en ligne des semences ? Le commerce sur internet échapperait-il aux lois du commerce mondial dictées par Monsanto et les autres multinationales ? Ce que propose Avaaz ne risque-t-il pas de devenir une organisation mondiale pour faciliter la biopiraterie de ces multinationales ?
D’après Avaaz, ce projet serait conçu par « les fermiers qui résistent et préservent des graines dans des banques de semences et des granges réparties dans le monde entier ». Le Réseau Semences Paysannes, qui regroupe en France la plupart des Maisons des Semences Paysannes au sein desquelles ces « fermiers » s’organisent, n’a jamais rien demandé à Avaaz. Et il ne connaît de par le monde aucune organisation de petits paysans qui puisse concevoir un tel projet.
Les petits agriculteurs travaillent plutôt dans leurs champs que sur internet. Ils produisent et vendent de la nourriture. Seules les entreprises semencières vivent du commerce des semences. Les petits agriculteurs qui pratiquent l’agro-écologie paysanne ont d’abord besoin de pouvoir sélectionner et multiplier leurs semences localement, afin de les adapter à leurs propres conditions de culture et aux changements du climat tel qu’ils se manifestent dans leurs propres champs. Ils n’ont pas besoin de semences sélectionnées et multipliées à l’autre bout de la planète qui exigent de grandes quantités d’engrais et de pesticides chimiques pour s’adapter à leurs conditions de culture locales auxquelles elles n’ont pas été préparées. Quelques échantillons de semences venant d’ailleurs les aident parfois à renouveler la diversité de leurs semences locales. Ces échanges de petites quantités de semences sont indispensables lorsque les agriculteurs ont perdu leurs semences locales et aussi pour faire face à l’accélération des changements climatiques. Mais lorsqu’ils en reçoivent, les agriculteurs doivent d’abord les sélectionner pour les adapter à leurs propres conditions de culture avant de pouvoir les cultiver à grande échelle. Il arrive aussi que les stocks de semences paysannes locales soient détruits par une catastrophe climatique ou des guerres. Les agriculteurs doivent alors se fournir auprès de leurs voisins les plus proches, éventuellement dans un pays voisin, mais pas sur un marché mondial des semences lesquelles seront inadaptées à leurs conditions de culture et leur imposeront l’utilisation d’engrais et pesticides chimiques.
Les agriculteurs s’organisent pour faciliter ces échanges directement entre eux, malgré les lois dictées par les multinationales qui tentent de le leur interdire. Pour cela, ils se rencontrent pour se transmettre aussi leurs connaissances associées à chaque graine. . S’il leur arrive de créer des entreprises artisanales qui diffusent leurs semences via Internet, c’est toujours à petite échelle. Mais ils n’ont pas besoin que toutes leurs semences paysannes et toutes leurs connaissances soient mises en vente dans un immense « magasin mondial » sur internet qui échappera nécessairement à leur contrôle. De plus, cela ne ferait que faciliter le travail des multinationales qui recherchent de nouvelles semences susceptibles d’être brevetées et ont besoin pour cela d’accéder aussi aux connaissances des agriculteurs afin de savoir lesquelles de ces semences possèdent les bons caractères à breveter. Ces brevets interdiront aux agriculteurs de continuer à utiliser les semences qu’ils auront ainsi données gratuitement aux multinationales. Les agriculteurs ne souhaitent pas faciliter ce vol de leurs semences par les brevets des multinationales.
Enfin, Avaaz ne dit pas à qui sera confié l’argent récolté, ni qui le gérera .
Les agriculteurs sont heureux lorsque des ONG les aident à s’organiser. Mais ils n’ont pas besoin d’ONG qui tentent de mobiliser la société civile en leur nom pour des objectifs qui ne sont pas les leurs. Pour pouvoir sélectionner et produire localement leurs semences, les agriculteurs ont besoin que leurs droits de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre leurs semences soient reconnus et appliqués dans chaque pays. Ils ont besoin d’une mobilisation de la société civile pour interdire dans tous les pays de la planète les lois et les brevets sur le vivant qui entravent ces droits.
Le Conseil d’Administration du Réseau Semences Paysannes.
Contact :Patrick De Kochko, patrick@semencespaysannes.org, 00 33 6 17 06 62 60 ou 00 33 5 53 84 44 05

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2 réflexions au sujet de « Combattre Monsanto ou faciliter la biopiraterie ? »

  1. voici le démenti publié par Vandana Shiva (ci-dessous) le 12 juillet sur le site “seedfreedom” : elle n’a JAMAIS autorisé AVAAZ a associer son nom à la pétition destinée à récolter des fonds afin de créer un commerce libre des semences en ligne, et ne soutient aucunement ce concept, même si son nom n’avait pas été utilisé. AVAAZ a encore une fois manipulé les donateurs…!

    Statement from Vandana Shiva regarding Avaaz Petition
    Dear Friends, Dear Seed Savers and Defenders of Seed Freedom,
    It has just come to my notice that Avaaz has launched a campaign for fundraising for an “ebay of seeds” and my name has been used in their petition without my permission or consultation. This is unethical. I do not endorse it. I also do not support the concept even if my name had not been used.
    We have all with love and solidarity built a strong movement for saving seeds and farmers’ rights on the ground and in our communities. Let us continue our work with full integrity and mutual trust.
    love
    Vandana Shiva
    http://seedfreedom.in/statement-from-vandana-shiva-regarding-avaaz-petition/

  2. ATTENTION à la vaste escroquerie, mise en ligne par Avaaz.
    Chères amies, Chers amis,
    Tous nos réseaux sont en alerte pour dénoncer une collecte frauduleuse de fonds par Avaaz au bénéfice d’on ne sait qui, puisque leur site ne donne aucune indication à ce sujet et ne répond pas à nos demandes d’explications ?

    Depuis longtemps circulent des rumeurs sur les agissements et l’origine sulfureuse de cette organisation. Aujourd’hui nous avons la preuve d’une manipulation sans précédent pour tromper l’opinion en se faisant passer pour les adversaires de Monsanto alors qu’ils en sont peut-être les serviteurs les plus zélés…
    Dans l’opération ci-dessous, lancée le 10 juillet, Avaaz, se sert des actions et de la réputation des principaux acteurs de la sauvegarde des semences paysannes pour solliciter la générosité les donateurs, sans même avoir consultés ceux-ci.
    Par exemple la citation de Vandana Shiva avec qui nous étions en tournage il y a quelques jours.
    Celle-ci n’était pas au courant de l’utilisation de son nom. Idem pour toutes les organisations de semences paysannes qui viennent de publier des communiqués de mise en garde.

    Diffusez autour de vous cette alerte contre une opération qui sert peut-être les pires adversaires de la cause des semences libres et de la biodiversité.

    Cordialement.
    Ph. Desbrosses – Intelligence Verte.

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