Environnement. Un militant en colère

Jean Claude Pierre
Jean-Claude Pierre n’est pas un « people ». Il cultive la simplicité. Depuis 40 ans, il enchaîne les conférences en Bretagne sur le développement durable. Après plus de 3.000 interventions, quatre livres et de multiples voyages, l’infatigable militant associatif hausse le ton : Gaïa, la terre, est en colère. Lui aussi.
Petit, son vert paradis des amours enfantines, c’était le Languidoué, une rivière affluente du Leff (22). Le travail à la ferme l’été, la proximité des animaux, lui font dire encore aujourd’hui : « J’ai de la terre à mes sabots ». Tout cela lui rappelle aussi combien nous sommes en rupture avec le monde animal. En 1969, alors qu’il se promène avec sa fille, il voit des saumons agoniser dans une rivière polluée par une papeterie. Cette découverte marque le début de son engagement. Il venait de lire : « Quelle terre laisserons-nous à nos enfants ? », de Barry Commoner. Sa force, il la tire aussi de son amitié avec Jacques de Bollardière, ce général breton qui s’est élevé contre la torture en Algérie. Son combat à lui sera de s’opposer au conformisme, en l’occurrence « au culte du veau d’or », c’est-à-dire le PIB, le profit… « La plus grave des pollutions, c’est l’indifférence et la résignation », assène-t-il.

Porteur d’espérance

Avec d’autres militants, il crée, en 1969, une association de défense des saumons, qui deviendra Eau et rivières, puis Nature et culture, le réseau Cohérence et enfin l’Institut de Silfiac. Mais celui qui a siégé au Conseil économique et social de Bretagne pendant dix ans accompagne aussi les acteurs qui cherchent à se rendre compte par eux-mêmes des réalités du terrain. Agriculteurs, politiques, techniciens, chefs d’entreprise participent à ses voyages d’études en Allemagne, Autriche, Suisse, Angleterre et dans d’autres régions de France. Relocaliser l’économie, diviser par quatre les consommations énergétiques, cultiver en préservant la qualité de l’eau et des sols : autant d’exemples et d’alternatives à proposer. « On n’a pas le droit d’exacerber les peurs si l’on n’est pas porteur d’espérance ».

Coopérer

Aujourd’hui, la question qui résume pour lui toutes les autres, c’est la solidarité. Entre les hommes, dans l’espace et le temps et avec l’ensemble du vivant. « Dans un monde où tout se voit et tout se sait, l’humiliation et la frustration ne peuvent déboucher que sur la violence. La paix sociale implique un partage plus équitable des ressources ». Mais il prévient : « Si tout pousse à la compétition dès l’enfance, qui va enseigner la coopération ? Or, coopération, synergie et mutualisation sont les vrais enseignements de la nature et de ses multiples écosystèmes ».

L’homme responsable

Après 40 ans de lutte, le militant, adepte farouche de la non-violence, concède : « Je suis scandalisé par l’indifférence de nos concitoyens face à la dégradation de la planète. Alors que tous les clignotants sont au rouge et que la communauté scientifique est formelle pour établir une relation entre l’activité humaine et cette dégradation. Nous sommes entrés dans l’ère de l’anthropocène ». L’homme est devenu une force géophysique en partie responsable du devenir de la planète. Le cocktail entre réchauffement climatique, érosion de la biodiversité et aggravation des inégalités est, selon lui, « explosif. Il faut agir sur ces trois fléaux en même temps ». Jean-Claude Pierre, loin d’être désabusé, compte modestement les victoires contre le nucléaire, des projets de barrages ou des installations de piscicultures géantes. « Oui, le regard de l’opinion a changé ». Partout où il va présenter la « ville du futur », son dernier montage qui rassemble les exemples les plus parlants d’urbanisation réussie, « les gens ont la pêche », rayonne-t-il. Lui aussi.
1937. Naissance, en février, « le mois des sources et du signe du poisson » (sic !).
1969. Cofondateur de l’Association pour la protection du saumon et de la truite en Bretagne et en Basse-Normandie (500 membres en 1977).
1970. Début des chantiers bénévoles de nettoyages des rivières.
1983. Cofondateur d’Eau et Rivières.
1994. Élu breton de l’année par Le Télégramme.
1997. Cofondateur du réseau Cohérence qui regroupe une centaine d’organisations en Bretagne. 2008. Cofondateur de l’Institut de Silfiac.

Carole Le Béchec Le Télégramme

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3 réflexions au sujet de « Environnement. Un militant en colère »

  1. Çà fait du bien de voir de telles personnes qui combattent toute leur vie pour la défense intelligente du VIVANT et des sociétés humaines.
    Ce monsieur est un véritable écologiste, honnête et désintéressé donc à l’opposé des politiques qui, malheureusement, nous gouvernent.

  2. Je ne suis par sûr qu’avec les solutions qu’il promeut, le Français diminuera beaucoup son empreinte pour en arriver à ne dépenser qu’une seule planète. Mais ce qui est important et dynamisant dans son discours, c’est toute la mobilisation coopérative, citoyenne, où chacun reprend le pouvoir personnellement et collectivement.au niveau de l’énergie et de l’écologie. Une belle manière de lutter contre la résignation et l’indifférence… Merci !

  3. Il y a une chose certaine et rassurante.
    Après l’anthropocène, la terre et la nature se relèveront.
    La nature n’a jamais eu besoins de l’homme même si elle l’a crée.
    C’est une opportunité, offerte lors d’un bouleversement, qui fait émerger l’homme .
    C’est lui qui va créer le bouleversement qui le renverra aux oubliette.
    La nature et la vie suivra son cour et s’adaptera.
    Ce n’est qu’une question de temps pour elles.
    N’oublions pas que nous sommes une infime poussière dans cette univers et son temps.

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